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 [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE

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Nymphe Ydeil
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MessageSujet: [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE Icon_minitimeSam 12 Juin 2010 - 5:10


Il est des parties qui ne s’achèvent que lorsque tous les joueurs sont morts.

......Bllongée sur une de ces paillasses inconfortables qui lui tenaient lieu de lit depuis plusieurs semaines, Comete luttait contre les battements désordonnés de son cœur. Elle savait que ce n'était qu'un rêve, rien de plus que l'un de ces rêves qui la hantaient depuis quelques jours. Mais cette fois encore, la mort avait frappé et elle portait le visage des Arcanes. Elle en rêvait souvent depuis plusieurs jours, les visions revenant fréquemment, chaque fois avec plus de violence. En serrant les dents pour se forcer à taire ses pensées incohérentes, la jeune femme se redressa sur sa couche. Quelque chose bougea derrière les tentures de l’entrée et le visage impassible d’une jeune servante apparut. Son visage portait les stigmates de l’Assimilation. Comete songea avec amertume qu'elle devait être là depuis un moment, guettant son réveil.

- Vos affaires sont prêtes, ma Dame. Nous pouvons partir dès que vous le souhaiterez.
- Merci Kara, répondit la prophétesse.

La servante disparut sans bruit, comme elle était venue. La jeune femme essaya d’écouter les bruits de la guilde qui se préparait à l’extérieur, mais elle ne parvenait pas à détacher son esprit de la vision de mort qu’elle avait eue. Toujours, ces visions apocalyptiques tournaient autour de l'Ancienne Citadelle et des cinq Arcanes infernaux. Elle y rencontrait à chaque fois les Rois de Covenaris et les propos incohérents qui tombaient de leur bouche avaient les tonalités de sombres présages.
......Que pouvait-elle y faire ? Elle l'ignorait. Elle n'avait aucun espoir et ceux qui l’entouraient n’en avaient sûrement pas davantage. Les yeux ouverts sur l’obscurité dans laquelle était retombée la tente, elle écouta le souffle des deux hommes qui s’éveillaient sur les couchettes voisines. Elle attendit qu’ils se soient levés pour quitter la tente à son tour. Dehors, l’air était lourd. L’orage menaçait depuis quelques temps.
......Depuis la colline sur laquelle ils avaient choisi de bivouaquer, Comete observa la longue file des réfugiés qui avançait un peu plus bas dans la vallée. La rumeur qui venait de la route avait à peine perdu de son intensité. Parfois, sur le bord du chemin, un homme plus riche que les autres levait à bout de bras sa lanterne pour balayer de son faisceau cette marée humaine. Alors les visages fatigués, salis et émaciés des autres se tournaient avec espoir vers cette source de lumière.
......La main amicale de l’un de ses alliés pressa son épaule et tous deux échangèrent un regard entendu. Sans un mot, ils chargèrent leurs paquets sur leur dos et descendirent vers la cohorte des voyageurs pour se glisser à leur tour derrière un chariot surchargé. Chacun allait à pied, bien que certains aient des chevaux. Les animaux comme les hommes transportaient des ballots, des cages à poules ou des jarres. Il y avait là toute la richesse de ces pauvres gens.
......Parfois, ils croisaient de sombres cavaliers au costume de cuir et ils courbaient l’échine, détournaient le regard pour ne pas avoir à affronter la prunelle incendiée de ces hommes qui n’en étaient plus vraiment. Si l’un des réfugiés venait à tomber sous la fatigue, il se créait un vide autour de lui et le cri rauque des Arcanes qui s’abattaient sur lui se faisait entendre.

- Jure fidélité à ton Dieu et réjouis-toi, car tu vas être libéré !

Et l’homme tombait, mort, quand il n’était pas pendu aux branches des arbres environnants. Chaque fois, Comete sentait son cœur se serrer et sa colère grondait un peu plus en elle. Mais elle ne pouvait rien faire, sinon espérer pouvoir, comme cette marée humaine, franchir les remparts extérieurs de Covenaris et fuir à jamais la ville désormais maudite.
......Bientôt, la route s’élargit sous leurs pieds et les voyageurs ralentirent le pas. La rumeur s’intensifia et une certaine nervosité s’installa. On approchait des postes de surveillance. Inconsciemment, le regard de la jeune femme se tourna vers le nord. Dans l’ombre, un long serpent de lumière rougeoyait sous l’horizon, jusqu’aux fortifications intérieures de la citadelle de Coveranis. Elle devina plus qu’elle ne vit la silhouette familière de la cité qui se détachait dans le halo maudit que les Arcanes avaient dressé autour de ses murs.
......Absorbée par cette vision, elle ne se rendit pas compte qu’elle s’était arrêtée. Un homme la poussa sans ménagement et elle tomba sur le bas-côté. Ses alliés firent front contre la marée humaine, mais immédiatement, les voyageurs s’étaient écartès et le martèlement des sabots se fit entendre. Les Arcanes furent auprès d’elle en quelques secondes seulement. L’un d’eux la força à se relever et les amulettes qu’elle portait à son cou cliquetèrent. Elle voulut les cacher sous sa cape, mais une poigne de fer retint son geste.

- Qu’est-ce qu’il y a là-dessous ? Interrogea le cavalier.

Sans sourciller, Comete affronta le regard incendié. Durant de longues secondes, elle détailla le visage lisse et sans expression de son adversaire et sa colère grandit tout autant que sa peur. Puis le son d’un cor retentit, haut et clair. Surpris, l’homme la lâcha. Ses yeux balayèrent la cohorte des voyageurs passifs et s’arrêtèrent sur une silhouette noire qui se détachait dans la lumière de Covenaris. Un grondement rauque fit vibrer la gorge du cavalier. Immédiatement, les deux alliés de la jeune femme furent près d'elle, près à en découdre si l'occasion s'en présentait.

......Mais sans se préoccuper de sa victime, l'Arcane éperonna sa monture et se fraya un chemin dans la foule, suivi de ses acolytes.

- Vous n’aurez pas notre liberté, lui lança la jeune femme.

Le cavalier se retourna une dernière fois vers elle, hésitant à punir celle qui le défiait. Puis il renonça et son cheval s’élança au galop. Alors un éclair déchira le ciel, éclairant brièvement la Cité et ceux qui fuyaient son sein. Là-bas, aux pieds des murs de pierres, des étendards flottaient dans le vent du sud : les étendards du peuple de Covenaris. Une nouvelle fois, le cor retentit, couvrant le grondement de l’orage, annonçant le départ du Juste, l’intendant de la citadelle. Le dernier bastion de la résistance fuyait, lui aussi. Ainsi, tout espoir était vain et la fin pouvait venir.

À suivre…*



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Dernière édition par Nymphe Ydeil le Mer 16 Avr 2014 - 19:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE Icon_minitimeSam 12 Juin 2010 - 14:19


Musique du RP
Il est des parties qui ne s’achèvent que lorsque tous les joueurs sont morts.

......Accroupi aux sommets des remparts, Mitik observait le lent cortège qui avançait vers les postes avancés de Covenaris. Un fin sourire éclairait son visage. Il leva le nez vers le ciel et flaira la nuit. Des effluves de toutes natures montaient jusqu’à lui, odeurs de sueur, de sel, d’humus et d’eau croupie, fumets de nourriture et parfois de vin. Quelques parfums de femmes venaient également lui chatouiller les narines, plus difficilement détectables dans tout ce brouhaha olfactif.
......Le regard perçant, l’homme détailla les rangs serrés des villageois qui défilaient sous lui. Depuis deux jours, la citadelle se vidait, désertée par tous les esprits craintifs et superstitieux que la terre ait pu compter. Deux colonnes se formaient, la première fuyait vers le sud, vers les contrées vierges où l’on croyait trouver refuge, la seconde se dirigeait vers l’est, vers Noveluris, la citadelle neuve. Autrefois, les deux cités avaient été jumelles, l’une ne fonctionnant pas sans l’autre. Mais depuis peu, tout avait changé.
......Par un procédé odieux et diabolique, Noveluris était devenue plus puissante, plus redoutable et plus lumineuse que sa voisine de l’ouest. Les Arcanes étaient responsables de ce changement subtil. Mais qui pouvait les blâmer ? Personne n’avait réellement voulu s’y opposer, au départ. Et Noveluris avait dépassé la prestance de son aînée qui refusait de se soumettre au joug des cinq Arcanes noirs. Progressivement, Covenaris avait été écrasée, abîmée, abaissée. On l’avait rendue dépendante de son ancienne alliée. Jusqu’à ce que les cinq envahissent finalement les murs de la ville.
......Ce n’était qu’à présent que l’horreur s’installait, que l’on fuyait la ville. Mitik avait bien entendu ce que les gens disaient : Covenaris allait être effacée. Tout bonnement. Un rictus éloquent étira ses lèvres pâles. Stupidité quand tu nous tiens, songea-t-il avec ironie. Les Arcanes ne lui faisaient pas peur, il resterait, peu importe s’il devait être le dernier survivant de la citadelle. D’un bond leste, le guerrier quitta les remparts et atterrit sur le toit, puis du toit aux pavés d’une ruelle déjà bondée. Une mégère mal apprivoisée piailla et ramena sa marmaille contre ses jupes en injuriant copieusement ce « diable qui lui sautait sur les pieds ». Mitik lui adressa un regard assassin et reprit sa progression vers le cœur de la Cité.
......En chemin, il croisa le cortège endeuillé du Juste, celui qui, en l’absence des Rois de Covenaris, en tenait l’intendance. Lui aussi fuyait, comme tous les autres.

- Pouah, n’y a-t-il donc que des couards dans cette ville ? Cracha Mitik avec un mépris insolant.

Quelques passants lui lancèrent un regard morne et désabusé et il se borna à continuer sa route. Il ne s’arrêta que devant un bâtiment de pierres grises enfoncé dans une cour sombre. Des gens en uniforme allaient et venaient à la lueur de torches, chargeant des montures épuisées d’avance. Personne ne fit attention à lui. Ils étaient tous trop préoccupés pour ça.

......Silencieusement, avec toute la discrétion féline qui était la sienne, Mitik pénétra dans le bâtiment et s’enfonça dans les corridors humides. La caserne était divisée en deux parties : l’étage, réservé aux chambres des soldats et le rez-de-chaussée, destiné aux dépendances, cuisine, réfectoire et salle des armes. C’était celle-ci que convoitait notre aventurier. Armé d’un flambeau, il pénétra dans la pièce.

- Salle aux trésors, me voilà, se réjouit-il en refermant la porte derrière lui.

Arbalètes, rapières, dagues, arcs, haches, il y avait là de quoi défendre la citadelle pendant des jours… Si tant est que des volontaires aient souhaité prendre les armes pour le faire. Le regard brillant, Mitik circula entre les différents râteliers, glissant ses mains sur les lames affilées, jaugeant en fin connaisseur le poids d’une lance, la maniabilité d’une épée.

......Son choix se porta finalement sur un sabre court, mais léger, qu’il fixa à sa ceinture et une épée de jet fang qui semblait avoir été posée là par hasard, mais sans que quiconque en ait jamais eu l’utilité. C’était l’arme parfaite. Le doigt savant glissa amoureusement sur la lame courbe et vierge et l’homme sourit. Parfaite, vraiment.

- Qu’est-ce que vous faites là ? Tonna une voix dans le dos du guerrier rêveur.

Ah, ça se gatte, c’est fâcheux… Songea Mitik avant de se retourner avec un soupir. Un jeune soldat, armé d’une arbalète qu’il n’avait jamais dû utiliser de sa vie à en juger par sa position, le fixait en attendant la réponse.


- Posez ces armes ! Ordonna la courageuse recrue.
- Vous n’êtes pas encore parti, vous ? Interrogea Mitik, lassé d’avance par cet échange inutile.

Le soldat hésita, pris au dépourvu par le flegme de son adversaire.

- Non… Nous… Enfin je… Mon équipe n’est pas encore prête. Mais vous…
- Je reste.

La bouche de la recrue s’ouvrit sur un « o » muet, l’étonnement lui agrandit le regard et l’admiration acheva de baisser le bras armé. Dans la cour, une cloche retentit.

- On t’appelle petit, lança Mitik.
- Oh…

Avec la fougue de la jeunesse, le jeune soldat s’élança vers la porte, puis, se ravisant, revint se planter devant l’aventurier qui lui avait tenu tête. Il lui serra la main avec effusion.

- C’est un honneur Monsieur, vraiment. Votre courage est remarquable. J’espère que vous parviendrez à…

Le garçon hésita, rougit, puis s’enfuit. Survivre… Termina mentalement Mitik avec un sourire. Oui, survivre, ou périr sous la lame de l’un des Arcanes. L’arme au poing, l’aventurier quitta à son tour l’armurerie et gagna l’étage, puis le toit. Covenaris s’étendait à ses pieds, fébrile et craintive, désarmée. Son combat pouvait commencer.

À suivre... *


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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Piliers d'Enma - INTÉGRALE Icon_minitimeDim 13 Juin 2010 - 23:46

LES PILIERS D'ENMA
* Les Sept Cavaliers *


* RP by Nymphe Ydeil *
* * * Communauté de Sionabel * * *

« Avant de devenir une légende, il faut mourir »…

......Le silence. Rien que le silence sur les rangs affaiblis. Et ce chant, profond et grave, qui s'élevait dans l'air étouffant de la nuit, cette voix poignante qui faisait frissonner le cœur des hommes et briller les yeux des femmes. Qui était le chanteur, que signifiaient les mots qu'il égrainait douloureusement dans cette langue étrangère ? On l'ignorait. On avançait seulement au rythme émouvant de la mélopée, comme s’il avait pu donner à ces âmes le courage et la force de se diriger dans la nuit.
......Dans les rangs muets, saisis par la portée du chant, avançaient autant d’hommes que de femmes, de vieillards et d’enfants. À mesure que le rythme se faisait unité, de nouvelles voix s’élevèrent dans les ténèbres, reprenant en chœur ces paroles qui ne pouvaient avoir de sens qu’à travers leur profondeur passionnée. Même dans cette chaleur étouffante, même alors que la fatigue ployait l’échine des uns, que la destinée brisait la fierté des autres, on avançait résolument, indéfectiblement, qui sur la pierre dure de la chaussée, qui sur les talus des bas-côtés.
......Parfois, dans la pâle lueur des flambeaux, ceux qui marchaient vers l’extérieur des rangs apercevaient quelques cavaliers. Ceux-là n'avaient pas meilleure figure que les montures harassées qu'ils montaient. Cependant, l’un d’entre eux sortit de l’ordinaire. Le galop furieux qui frappait la terre attira l’attention des curieux avant même que la bête n’entre dans la lumière. C’était un étalon comme on en voit peu, même en temps de paix et d’opulence. Sa robe soyeuse et noire, quoi que fort poussiéreuse, ne portait pas les stigmates de la fatigue. La bouche torturait encore fièrement le mords qui la barrait et les naseaux à peine dilatés indiquaient une bête habituée à l’endurance et à la vitesse. Quant à la tête et les jambes, elles tenaient leur élégance et leur finesse de la lignée pure dont l’étalon était le descendant.
......De son côté, le cavalier n’avait rien à envier à sa monture. Altier, il avait l'œil clair et lumineux, capable d'éclairer jusqu'au cœur l’homme ou la femme sur lequel il se posait. Son visage plongé dans l’ombre de sa capuche ne laissait rien deviner de ses traits. Seul son regard transperçait les ténèbres, indéfectible phare de son âme. L’aura qui était la sienne, naturellement dominante comme le sont celles des rois ou des dieux, jetait dans les cœurs des voyageurs un incommensurable sentiment de respect, mêlé parfois à la crainte qu'inspirent souvent les hommes à la fois trop mystérieux et trop sombres pour le commun des mortels.
......Tandis qu’il remontait au galop de sa monture les rangs accablés des marcheurs, ce voyageur peu ordinaire ne prêtait aucune attention à la mélopée qui s’élevait. Il ne releva son existence que lorsqu’il eut dépassé la tête de cette colonne mouvante et qu’il se trouva seul sur le sentier de pierre. Durant quelques centaines de mètres encore, la fascination exercée par la complainte nourrit la confiance de son cheval ; mais bientôt, même ce reliquat d’humanité vint à manquer. Ils furent plongés dans une nuit si noire, si épaisse que la monture, tantôt si fière, renâcla avec inquiétude et se mit au pas.
......Alors l’homme mit le pied au sol, et pour la première fois peut-être, devança la bête qui l’avait mené jusque là avec tant de fidélité. Il n’avait ni torche ni aucune lumière pour chasser la nuit qui l’habillait, cependant il avança avec calme et résolution, comme si une main invisible l’eut guidé à travers ces ténèbres absolues. En réalité, le cavalier savait exactement où il allait et son pas hardi claquait sur la chaussée. Mais à peine eut-il parcourut une vingtaine de mètres qu’une lumière apparut un peu plus loin sur sa gauche.
......Cette lueur claire avança sans heurt, d’un mouvement trop égal et régulier pour être naturel, comme si elle avait seulement flotté dans l’air chaud de la nuit. Pourtant, aussi fantastique qu’ait été cette apparition lumineuse, le cavalier la suivit avec confiance, croyant en sa bonne étoile. Il fit encore quelques pas sur la route, puis la quitta pour s’élancer hors des sentiers battus, son cheval le talonnant de près. Bientôt, la silhouette fantomatique de pierres blanches se dessina autour d’eux et la lumière disparut. Un instant décontenancé, l’homme écarquilla les yeux sur la nuit. Lorsqu’il se retourna, il aperçut en contrebas le sentier qu’il avait quitté quelques instants plus tôt.
......La lueur des torches tranchait dans les ténèbres, transformant la colonne des voyageurs en un long serpent lumineux. Bien au-delà, les cités jumelles de Covenaris et Noveluris jetaient sur l’horizon un halo bleuté. Celui de Covenaris, plus foncé, palpitait comme le cœur d’un animal blessé. Les Arcanes, murmura sans sourciller l’impassible cavalier. Puis il crut sentir un souffle glacé contre sa nuque et tendit l’oreille. Il ne tressaillit pas tandis qu’une main osseuse et roide se refermait sur son épaule, et pas davantage lorsque la voix rocailleuse s’éleva dans son dos.

- La fin est en marche, mon Seigneur, énonça-t-elle d’un ton égal.

Le cavalier se retourna vers le fantôme aux doigts arides qui l’avait interpellé et le jaugea un instant. Une longue cape blanche, qu’on aurait pu confondre avec un suaire, flottait autour de lui. Ses orbites au regard un peu fou étincelaient dans l’ombre. De sa main décharnée comme celle d’un squelette, il désigna les ogives de granit blanches, indiquant par là au voyageur qu’il devait poursuivre sa route dans cette direction.


- Je sais, approuva le cavalier en hochant la tête en signe de consentement.

Puis, après un dernier coup d’œil en direction du serpent lumineux qui progressait dans la vallée, il repartit du même pas solennel sur lequel il avait toujours réglé sa marche. La main posée à hauteur d’épaule sur l’encolure nerveuse de sa monture, il entreprit de suivre le fantôme à travers la lande et les ténèbres. Progressivement, des globes de lumière apparurent autour d’eux, gravissant à leur tour la colline et ses flancs abrupts.

......Lorsqu’ils eurent dépassé les pierres froides et immobiles, le cavalier s’arrêta à nouveau. Derrière lui, son guide attendit docilement. L’homme osa risquer un regard par-delà son épaule et sa prunelle indéchiffrable se posa à nouveau sur Covenaris. À présent, la citadelle brillait d’un éclat tellement éblouissant qu’il en éclipsait celui de Noveluris. Au-dessus des deux cités, des éclairs zébraient les ténèbres, annonciateurs d’une catastrophe imminente et surnaturelle. Un instant saisi par le spectacle, le cavalier ne songea plus à reprendre son chemin. Au demeurant, l’on s’était arrêté, sur la colline et jusqu’à dans la vallée, chacun ayant compris instinctivement ce qui allait advenir.
......Puis, brusquement, l’immense sphère bleuâtre qui se gorgeait de lumière sembla repoussée par une force inconnue, puis se déchirer. On aurait dit qu’une membrane se rompait pour donner naissance à quelque terreur nouvelle. Pour la première fois, le cavalier noir frissonna et bien qu’il n’y ait que cette vision pour insuffler la crainte dans tous les coeurs, sa monture se cabra sans qu’il ne songeât un seul instant à retenir la tête belle et noble de l’étalon. La main glacée et blanche de leur guide attrapa les rênes de l’animal et, gagné par l’impatience, pressa le cavalier :

- Hâtons-nous, mon Seigneur. Il nous reste encore du temps.

Mais l’homme ne bougea pas. Là-bas, sur l’horizon, Covenaris l’Ancienne se mourait. Ils le savaient tous les deux. Depuis des jours, la citadelle était l’objet de toutes les discussions, les croyances les plus folles, les bruits les plus effrayants courraient au sein de la population. On parlait sans vraiment y croire de la malédiction des cinq Arcanes. On disait qu’ils avaient maudit la ville et sa population, que des forces démoniaques la possédaient désormais. Mais la vérité était ailleurs. À présent, à présent seulement, ils le savaient tous.
......Plongé dans son mutisme, le cavalier noir tendit l’oreille dans la nuit. Une voix, non loin d’eux, reprit la mélopée qui avait déjà bouleversé tant de cœurs. Cette fois, l’homme comprit les paroles et un fin sourire étira ses lèvres pâles.

- Ainsi, tout est fini, constata-t-il d’une voix tranquille et presque sans étonnement. Puis il ajouta, à l’adresse de son guide : il est trop tard, partez, si vous le souhaitez.

Et il regarda l’enfer qui naissait à l’horizon. Ils l’avaient tous vu venir, ils avaient même peut-être compris depuis des lunes ou des années. Mais aucun n’avait su lever le poing, sinon par la colère, au moins par le dédain. Un matin, les cinq Arcanes s’étaient installés, ils avaient pris place sur les trônes des Rois défunts et avaient étendu leurs pouvoirs, fait adopter leurs lois. Ils n’étaient pourtant pas très différents des autres. Ce chant qui gonflait dans toutes les bouches parlait de la stupidité des hommes, de leur faiblesse et du pouvoir des Arcanes capables d’effacer une ville.
......Sur l’horizon ébloui par la lumière, la sphère de lumière fut balayée par un souffle fulgurant, l’une après l’autre, les tours blanches disparurent, happées elles aussi par le pouvoir des Arcanes. Puis tous les bâtiments, un par un, s’évanouirent, les remparts ployèrent et se volatilisèrent sans avoir touché le sol, sans fracas, juste dans un éclat de lumière supplémentaire. Puis ce fut la nuit. Une nuit brève, chargée d’attente et d’angoisse, ponctuée seulement par les éclairs qui continuaient à zébrer le ciel. Lorsque le cœur de Covenaris implosa, ce qui n’avait été jusqu’alors qu’un spectacle muet et abstrait révéla toute son horreur dans un fracas formidable.
......Une onde de lumière aveuglante balaya tout, sur des kilomètres. Elle atteignit la colonne des fugitifs et derrière elle, ne laissa rien. Les voyageurs disparurent, s’effacèrent. Ils avaient cru trouver la paix sur les plaines vierges, ils comprirent leur erreur au moment où le néant les engloutissait. Les premiers rangs n’eurent pas le temps de réagir, les suivants cédèrent à la panique. La mort, partout, galopante, prenant de l’ampleur et ravageant la vallée. Et là, ultime spectateur de cette gangrène intransigeante qui submergeait tout, le cavalier noir attendait.
......Il savait la fin proche, mais ne cherchait pas à fuir. Autour de lui, six autres cavaliers avaient fait leur apparition. Il avait senti leur présence, mais ne s’était pas retourné. Depuis longtemps, la futilité des mots n’avait plus lieu d’être entre ces hommes. La même résolution et le même courage les dressaient face à la mort intraitable qu’ils avaient sans doute choisie, le même sang noble faisait d’eux, sinon des dieux, au moins des princes. Mieux que quiconque, ils connaissaient la destinée qui était la leur, l’origine de cette fin et ils l’affrontèrent parce qu’ils en avaient décidé ainsi, parce que leur légende allait naître de ce geste suprême…

À suivre…


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