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 [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE

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Nymphe Ydeil
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MessageSujet: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeDim 18 Avr 2010 - 16:52

[U36] LES PRINCES D'ÉTERNITÉ

Première Partie : Apprentis
- Les Justes
- Le Départ
- Le Temple des Âmes
- Dans l'Éternité des Princes
- La Malédiction des Anathèmes
- L'Adversité
- Les Enfers
- L'Impact
- La Légende du Roi
- Le Gardien


Deuxième Partie : Justes
- Arc et Vision
- Stratégie
- Le Fils de l'Ombre
- La colère du gardien
- Juste parmi les Justes
- La Terre des Hommes
- La Ténébreuse
- Lumière sur les Ténèbres
- La Pierre Noire
- Rupture d'Éternité

Troisième partie - Mentors :
- Absence
- Les Retrouvailles
- La Magie des Sorgins
- Droit de Réponses
- Retour à Andhera
- Les Portes de la Colère
- Dans l'Absence des Princes
- Le Véritable Gardien
- Le Géant Imposteur
- La Confiance d'un Prince
- Le Jour des Candidats
- La Gloire du Prisonnier
- Fais-toi violence !

Quatrième partie - Gardiens :
- Le Désert Blanc
- La Décision des Autres
- Mythes et Réalités
- Retour à Deak'Li
- Regrets
- Doutes
- L'Appel aux Dieux
- Le Désir de Vaincre
- La Peur au Ventre
- Proximité
- La Reine d'Éternité
- La Vérité des Dieux
- Inquiétude


Dernière édition par Nymphe Ydeil le Ven 9 Mai 2014 - 5:51, édité 10 fois
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeDim 18 Avr 2010 - 16:55

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Les Justes


Pour gh0sty…
Pour tous les GA, SGO, OP et trials qui ont été mes piliers.



Si la Faucheuse vous annonce que vous
N’avez plus qu’une heure à vivre,
Comment lutterez-vous ?

La fumée enveloppait tout. Elle piquait les yeux et les poumons. Des incendies s’étaient déclarés par endroits, jetant un éclairage sauvage et irréel sur la scène du combat. Des cris résonnaient encore, provenant de corps mutilés, oubliés dans quelques recoins sombres. Partout, des armes abandonnées jonchaient le sol. Le sang versé durant la nuit séchait déjà. Quelques hommes avaient entrepris d’enterrer les morts. On avait creusé sur place, à même la terre des rues, et les femmes qui étaient venues lançaient vers le ciel des prières ou des imprécations qui ne seraient jamais entendues.
Des silhouettes ténébreuses apparaissaient parfois à la faveur de quelques lueurs, puis disparaissaient aussitôt dans l’ombre, noires sur noir. L’une d’entre elles s’attarda. Elle se penchait parfois au-dessus d’un corps, puis continuait sa route. Elle semblait hésiter à poursuivre son chemin au milieu des décombres. Le lourd manteau qu’elle portait, aussi blanc que la neige, réfléchissait la lumière des flammes, la démarquant au milieu des ombres. Pourtant, ceux qui la remarquaient détournaient le regard et fuyaient sa proximité.
Elle s’engagea sur le pont qui franchissait l’onde noire d’un fleuve et s’arrêta encore. Son regard se posa sur la ville meurtrie qu’elle laissait derrière elle. Les éclats des explosions se faisaient encore entendre dans le lointain. À l’horizon, une aube grise chassait la nuit. Une pluie fine se mit à tomber, lavant l’horreur des heures sombres. Alors, la silhouette s’arracha à sa contemplation et reprit sa route. Elle ne se retourna plus.

* * *


La neige avait commencé à tomber sur la ville de Sérivun. Déjà, les toits étaient blancs et les gens pataugeaient dans la boue glacée qui couvrait les ruelles. Depuis quelques heures, une foule bruyante s’était amassée aux pieds d'un sombre bâtiment de pierre. La rumeur sourde qui s’élevait de ses rangs devenait de plus en plus menaçante à mesure que les minutes s’égrenaient. Sur les marches du parvis, aux branches de quelques chênes élancés, quelques-uns lançaient des propos enflammés qui ne faisaient qu’alimenter le courroux des spectateurs. Les enfants grimpaient tels des singes sur le moindre support qui leur permettait de gagner en hauteur et de leurs perchoirs précaires, ils houspillaient la foule à leur façon, lançant noix, tomates ou quolibets.
Sans se préoccuper du froid, un homme était appuyé contre l’un des bâtiments, face à la foule. C’était un homme dont le visage ne révélait ni l’âge, ni les sentiments. Affichant une moue impassible, il observait simplement en silence. Depuis de longues minutes, une jeune femme l'avait remarqué et tournait vers lui son attention jusqu'alors focalisée sur le discours de la foule. Il y avait dans le regard bleu-vert de cette femme une certaine curiosité, qu'une spontanéité naturelle laissait pleine et entière.
Elle détaillait avec un peu d'appréhension la toge, reconnaissable entre toutes, de cet homme si distant. Les lourds pans du vêtement blanc retombaient autour de lui, cachant les gants de cuir et le large écusson orange qui couvrait sa poitrine. C'était un Juste. Un de ces hommes tellement plein de mystère, avares de leurs mots, veillant en silence sur les viles où ils s'établissaient et donnant la mort comme des guerriers maudits frappant à l'improviste, sans un mot, avec l'autorité des Dieux et le pouvoir des Démons. À Sérivun, on craignait ces lourds pans de tissus blancs qui ressemblaient aux ailes d'anges déchus, ramenés sur le monde pour y faire régner l'ordre... ou ce qui pouvait y ressembler.
Aurora savait la crainte que les Justes inspiraient. Pourtant, elle n'avait pas peur. Pas tellement du moins. Il y avait bien plus de respect que de crainte en elle. Indifférente à la foule qui continuait à gronder, elle observait. Un second Juste, jaillissant de l'ombre comme un fantôme, s’arrêta aux côtés de son compagnon. Sans avoir besoin de se retourner, ce dernier reconnut la proximité familière d’un frère et se contenta d'un sourire. Ce qu'ils se dirent, Aurora ne l'entendit pas. Mais dans les yeux d'ambre des deux hommes, elle lut un mélange de lassitude et de colère. L'un des deux Justes abandonna son compagnon et s'avança vers la foule.

- Le silence est d’or, récita l’homme.

Et il pénétra au milieu des rangs hostiles qui s’ouvraient devant lui. Son immense cape blanche flottait derrière lui, sa poitrine arborant l’insigne flamboyant des Justes. On s’écartait devant lui parce qu’on craignait ce symbole, mais le peuple, colérique comme un tyran et capricieux comme un enfant, refusait encore de se taire. Lorsqu’il eut gagné le parvis, on se tût enfin, la crainte de son silence et de son air sévère ayant finalement eut raison de l'assurance de la foule. Même les enfants cessèrent de piailler. Alors, la voix du Juste, puissante et grave, s’éleva dans l’air glacé.

- Serivun, écoute-moi ! La Mort que tu vois comme jeu ne sera pas donnée. Ce soir, ton maître aura la vie sauve. Tiens-le vous pour dit. Un Juste surveille chacun de tes murs. Si crime il y a, le châtiment que tu connais et redoute tombera, sois en certaine. Mais ne doute pas de la légitimé de celui qui porte son regard d'or sur toi, car il voit plus loin que tes yeux aveugles ne portent !

Et l’homme quitta ses hauteurs pour traverser la foule en sens inverse. Autour de lui, la rumeur reprit, menaçant toujours, mais à présent, l’incertitude perçait. On ne savait plus bien si les raisons de la colère étaient vraiment fondées. Un Juste avait parlé et seule la vérité pouvait transparaître dans les paroles d’un Juste. Aurora, plus vive, plus alerte que les autres, fut la première à réagir. Oubliant son étonnement, sa réserve qui la poussait toujours à une observation silencieuse, elle se faufila jusqu’à l’homme. S'il la vit s’approcher, il ne ralentit pas pour autant et elle dut courir pour se maintenir à sa hauteur. Lorsqu'elle le rattrapa, l'oeil d'or se riva enfin au sien.
Aurora s'arrêta net. Le visage du Juste était à nouveau l'impassibilité même. Elle était curieuse, elle fut inquiète. Le regard plongea jusqu'au fond de son coeur, la jaugea, appréhenda chacune de ses réactions et lui ôta le souffle, la parole et cette fière assurance qui faisait d'elle une rebelle par l'âme et une meneuse par le front. Pour la première fois de sa vie, Aurora courba l'échine sans pourtant n'avoir essuyé ni insulte, ni affront.
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeDim 18 Avr 2010 - 16:57

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Les Justes


Pour Gothik King, qui manque au 25 et à mon coeur de journaliste.


Encore paralysée par le charisme du Juste, la jeune femme observait toujours ses pieds avec application.

- Aurora, n'est-ce pas ?
- Vous me connaissez ? Demanda-t-elle.

Il se contenta de secouer la tête en silence.

- Vous connaissez Sérivun ?
- Non plus.

Elle hésita, détaillant en silence les flammes oranges qui embrasaient la poitrine du Juste, le casque d'or qui masquait à demi son visage.

- Vous ne manquez rien, railla-t-elle avec, au fond de la voix, un mélange de colère et de tristesse.

S'il comprit, il ne le montra pas, alors, elle crut nécessaire d'ajouter :

- Sérivun est une cité particulière.

Cette fois, l'oeil de l'homme s'alluma, plein d'un amusement moqueur. D'un signe de tête, il l'invita à la suivre et reprit son chemin. Déjà, son compagnon avait disparu, mais il ne sembla pas s'en inquiéter.

- Toutes les cités se croient particulières, nota-t-il d'une voix douce.

Aurora digéra ses paroles en silence, tandis que le Juste l'entraînait avec lui jusqu'aux portes de la cité. Parfois, il se tournait et observait le profil mutin qu'elle lui offrait. Les cils baissés, elle se soumettait volontiers à cet examen. Lorsqu'ils atteignirent les lourdes portes, deux cavaliers, menant par la bride un troisième cheval, se dirigèrent vers eux. Pourtant, le Juste continua à scrupter Aurora.

- Tu es préoccupée, souligna-t-il finalement.

Pour la première fois, elle affronta le feu des prunelles d'or, s'en voulant d'être si facilement dévoilée.

- Vous n'êtes pas venu à Sérivun par hasard, n'est-ce pas ?
- Non, et tu n'es pas venue me voir simplement pour me demander pourquoi je suis ici, répondit-il.
- C'est vrai, admit-elle. J'aimerais savoir ce que sont les Justes.
- Vaste question, répondit-il avec un sourire. Tu peux nous voir un peu comme des gardiens.
- Gardiens ? S'étonna-t-elle. Mais gardiens de quoi ?
- De la vie.
- Mais pourtant, vous tuez et on vous craint pour ça.
- C'est infiniment plus complexe que cela, Aurora.

Les deux cavaliers arrivèrent à leur hauteur, coupant court au débat. Aurora se força au silence, malgré toute l'envie qu'elle avait de protester. Les deux hommes étaient des Justes. Le premier, Krilo, veillait sur Serivun depuis quelques années. La jeune femme le connaissait sinon de nom, au moins de visage. Le second, plus âgé, plus grand et moins nerveux, potait un casque veiné de noir et l'écusson de sa poitrine était pourpre. Il jeta un bref coup d'oeil à Aurora, puis tendit la bride du troisième cheval à celui qui accompagnait la jeune femme.

- Prêt à partir, Krilo ? Demanda-t-il.
- Bah, j'ai fait mon temps ici, répondit le Juste.
- Vous quittez Sérivun ? Interrogea Aurora, curieuse.
- Oui, il faut bien laisser la place aux jeunes recrues, pas vrai Jing, plaisanta-t-il.
- Qui laisseront leur place aux prochaines, enchaîna son compagnon.
- D'ailleurs, vous feriez mieux de vous dépêcher. Nous ne serons pas rentrés à temps pour l'accueil si ça continue, gronda doucement Confucius, le troisième Juste.

Aurora, comme tous les jeunes gens de son âge, avait entendu les rumeurs. Elle savait que les Justes battaient la campagnes pour chercher de nouveaux apprentis. Mais il y avait ceux qui haïssaient profondément cette société à part, mystérieuse parce que secrète et détentrice de pouvoirs inconnus, et ceux qui, comme Aurora, n'avaient pour eux ni peur ni haine. Ceux-là souhaitaient comprendre et parfois, se risquaient à écouter les rumeurs...

- Comment formez-vous vos apprentis ? Demanda la jeune femme.
- On les torture. S'ils survivent, ils deviennent des Justes, plaisanta encore Krilo. Demande à Confucius, je l'ai eu comme référent.

Aurora sourit, non pas de l'humour jovial et bon enfant de Krilo, mais de ce rêve qu'elle nourrissait depuis si longtemps et qu'elle voyait s'incarner à travers ce trio soudé, puissant et charismatique. À travers eux, elle voyait une possibilité tangible de devenir ce qu'elle rêvait d'être. Si elle ne comprenait pas encore le sens du terme "référent", sa curiosité n'en était que plus vive.

- Je ne suis pas un Juste, j'ai le droit de torturer les apprentis comme je veux, laissa tomber Confucius en faisant faire volte face à son cheval. Et il est temps de partir, sinon c'est vous que je torture.

La hiérarchie qui se dessinait pour Aurora avait tout d'un mythe. La stature de Confucius, l'autorité calme et entière qui transpirait de ses mots, tout le mystère de ces personnages qu'elle ne faisait qu'entrevoir, comme s'ils avaient été d'un autre monde, tout lui paraissait comme un rêve étrange dans lequel elle se sentait paradoxalement très à son aise et pas du tout à sa place. Sans doute Jing le comprit-il, car il ne perdait rien des émotions qui passaient sur le visage de la jeune femme.

- Allez devant, je vous rejoins, déclara-t-il à l'adresse de ses deux compagnons. Quelque chose me dit que je ne ferai pas la route seul.

Les deux autres eurent un sourire entendu. Ils avaient compris.

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 12 Mai 2010 - 14:39

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Le Temple des Âmes


À Turambar. Ces mots, puisses-tu les lire un jour, car tu es celui qui me donna la confiance de me lancer et parce que tu as sacrifié trop de choses pour me protéger.


« Je t’aiderai si tu le souhaites. » Accoudée au bastingage, Aurora laissait son regard se perdre sur la crête des vagues, la tête ailleurs. Jing lui avait laissé entendre qu’elle avait une chance d’être sélectionnée lors de l’accueil. Elle ne savait pas comment se déroulait la cérémonie et il était resté vague, mais il lui avait dit à quel point elle devait se montrer motivée. Il lui avait proposé son aide, amusé par sa candeur et son enthousiasme. Après qu’elle ait accepté de le suivre, ils avaient quitté Sérivun dès le crépuscule et avaient voyagé de nuit pour attraper à temps le navire qui partait pour Astrée, une île si éloignée de tout qu’on l’appelait la terre du bout du monde.
Les légendes et les mythes les plus fous courraient sur cette terre que seuls les Justes avaient le droit de visiter. On disait que les Justes étaient immortels car une fontaine de jouvence les abreuvait. De vieilles croyances voulaient qu’un Dieu ait vécu en ces terres et ait façonné mille marionnettes qu’il avait pourvues d’une part de son âme. Ainsi étaient nés les Justes, mille avatars d’un seul et même être doué d’ubiquité. D’autres disaient encore que les Justes étaient nés bien avant les hommes, au temps où les démons de feu possédaient la terre, et qu’ils s’étaient associés à ces êtres pour acquérir leurs pouvoirs maléfiques.
Bien sûr, rien n’était plus faux, et Aurora le savait. Comme tous les autres, elle avait entendu ces histoires lorsqu’elle était petite. Agatha, la prêtresse qui l’avait élevée comme sa fille, lui en avait livré tous les secrets alors qu’elle avait moins d’une dizaine d’années. Plus tard, après la mort de sa nourrice, elle s’était fait sa propre idée sur les Justes et leurs pouvoirs. Elle avait vu se succéder à Sérivun plusieurs d’entre eux et si elle n’avait jamais eu le courage de les interroger, elle avait eu celui de les observer, d’apprendre sur eux. Assez pour vouloir s’engager à faire le voyage vers Astrée en compagnie de trois d’entre eux.
Dans son dos, elle sentait le regard de Confucius qui veillait sur la petite troupe. Le voyage avait duré un mois entier et ils touchaient enfin au but. Si elle était anxieuse à l’idée de ne pas être acceptée, elle ne le montrait pas encore. Poukram, un peu plus jeune qu’elle, faisait le voyage également et Jing répondait indifférent aux deux aspirants avec toujours la même patience.
Lorsque le port d’Astrée fut enfin à portée de rames, l’effervescence gagna tout le groupe. Les Justes revoyaient leur terre avec un plaisir manifeste, tandis que leurs deux jeunes compagnons, qui n’avaient jamais quitté leur ville et n’avaient jamais fait un voyage aussi long, piaffaient d’impatience à l’idée de découvrir l’univers légendaire dans lequel baignaient les Justes. De nombreux navires accostaient les uns après les autres, déversant sur Astrée le flot incessant des candidats et de ceux qui les avaient parrainés. Certains aspirants venaient en solitaire, mais tous venaient dans le même dessein : devenir des Justes.

Même s’ils avaient su, à cet instant, que bien peu verraient leur rêve réalisé, pour la plupart, cela n’aurait entamé en rien leur enthousiasme. Ils étaient trop confiants, et surtout trop ambitieux pour se laisser décourager. Quelques uns cependant appréhendaient la cérémonie, espérant en silence le miracle qui leur donnerait le droit d’être formés. Lorsque le petit groupe d’Aurora mis pied à terre à son tour, Jing échangea un regard entendu avec ses deux compagnons.

- Je les amène au Temple, déclara-t-il seulement.

Confucius hocha gravement la tête comme si ces quelques mots n’avaient été prononcés que dans l’intention des jeunes candidats qu’ils accompagnaient. Son regard impénétrable se posa sur les deux jeunes gens, puis il se mit en route, devançant ou suivant Krilo de ce pas long et élégant qui était le sien.

* * *


La ville d’Aradia s’étendait aux pieds des deux candidats. C’était la vieille capitale d’Astrée, ville aussi vieille que le monde, préservée des millénaires et abritants toujours les Justes et leurs apprentis. Là, face à eux, dominant la cité, le Temple des Âmes dressait son architecture lourde et blanche. Les mille fenêtres qui le perçaient réfléchissaient la lumière du soleil, lui conférant cet éclat aveuglant qui obligeait les visiteurs à baisser les yeux, par obligation si ce n’était par déférence.
Aurora et Poukram découvrirent la structure comme d’autres l’avaient fait avant eux, avec émerveillement. Comme eux, des dizaines d’aspirants se pressaient aux portes du Temple. On s’interpellait à grands cris. Les uns reconnaissaient ici un ami, là un Juste, les autres commentaient avec force commentaires la grandeur du Temple, cherchant à deviner les secrets qu’il dissimulait sous ses pierres de granit.
Jing guida ses deux jeunes protégés à travers la foule, les menant droit au cœur du temple, au plus près de la salle la plus vaste. De lourdes portes de bois en défendaient encore l’entrée.

- Elles ne seront ouvertes qu’au moment de la Cérémonie, mais ici au moins, vous serez parmi les premiers à entrer.
- Ça ouvrira quand ? Demanda Poukram.
- Dans quelques minutes, je pense… Notre navire était le dernier. Tous les candidats sont arrivés.

Aurora ne répondit pas, elle observait la foule. Quelqu’un la bouscula et elle reconnut Aiśa, qui venait, comme elle, de Serivun. Elle avait été acceptée parmi les Justes peu de temps auparavant et arborait fièrement les couleurs de la caste. La jeune femme salua Aurora avec effusion, puis présenta au groupe celui qui l’accompagnait. Il portait le même écusson que Confucius. Mais Aurora ne le vit pas. Pas immédiatement en tout cas.
Là, au cœur de la foule, un remous se créait. Un homme avançait, encadré par une escorte. Chacun s’écartait sur son passage. La plupart des gens lui témoignèrent les hommages qu’il convient de rendre à un roi ou à un dieu et il en avait, sinon le rang, au moins l’allure. Le front fier, la silhouette altière imposaient un respect peu commun. Il y avait en lui un charisme formidable, impossible à négliger. Aurora, comme beaucoup d'autres, courba l’échine. C'était la seconde fois de sa vie.

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:11

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Devant l'Éternité des Princes


Pour Gothik King, qui manque au 25 et à mon coeur de journaliste.


Une main frôla l'épaule d'Aurora. Le Juste s'était approché d'elle. Il ne prononça pas un mot lorsqu'elle leva un regard interrogateur vers lui. Il fixait en silence l'homme qui approchait et elle reporta son attention sur l'être qui la fascinait. Roi ou dieu, on repoussa devant lui les portes de la salle. Mais il n'en franchit pas le seuil. Il s'arrêta et son regard doré se posa sur le petit groupe que formaient Aurora et ses compagnons.

- Aurora, la Sibylle de Lord Kael, nota-t-il d'une voix neutre.

La jeune femme ne put dire s'il s'agissait d'une question ou d'un simple constat, mais rougit. Agatha l'avait élevée dans la tradition ancestrale des Sibylles du Temple de Sionabel, un ordre presque aussi vieux que celui des Justes. À sa majorité, elle était donc devenu l'une de ces femmes mystérieuses qui exerçaient auprès de guerriers plus ou moins réputés et talentueux.
La plupart du temps, seuls les meilleurs d'entre eux cherchaient l'appui d'une Sibylle. D'autres tentaient de parvenir aux mêmes résultats par des pratiques hasardeuses, pas toujours heureuses selon l'appréciation qu'Aurora avait pu en faire. De son côté, elle avait acquis une réputation solide au fil des années. Ses visions avaient porté sa renommée bien au delà des villes dans lesquelles elle avait vécu.
Quant à Lord Kael, il était le guerrier qui avait le plus fait parler d'elle, celui pour qui elle avait le plus de plaisir à voyager dans les brumes de l'avenir. Pourtant, il était loin d'être le seul à faire appel à ses services. Aurora était indépendante, travaillant pour chacun sans marquer sa préférence pour aucun. Aussi s'empressa-t-elle de souligner cette indépendance fière qui assurait son intégrité, sa personnalité et son équilibre :

- Je ne suis pas la Sibylle de Lord Kael. Je suis Sibylle, simplement, répondit-elle doucement, encore incertaine sur l'étiquette à respecter face à l'homme au regard d'ambre.

Sans un mot, sans même un sourire, l'homme au regard d'or reprit sa route et pénétra dans la grande salle. Aurora, toujours hésitante, ne songea pas à le retenir. Elle avait un million de questions sur le bord des lèvres, elle n'envisageait pas encore qu'une seule personne pouvait y répondre, et que cette personne venait de la reconnaître dans cette foule bruyante et changeante.

- C'est Sammakko, l'un des Princes d'Éternité, annonça le Juste qui se tenait à ses côtés.

Enfin, elle réalisa sa présence et se permit de l'observer plus attentivement. Sous une barbe à faire pâlir de jalousie un maître nain, le visage du Juste avait quelque chose de grave et sévère à la fois. Pourtant, dans son regard noir, dans la main qui reposait sur son épaule, elle devina des sentiments plus nobles.

- Tu es l'une des candidates ? Demanda-t-il.
- Oui, répondit Aurora à mi-voix.

La jeune femme observa avec appréhension le dos du Prince d'Éternité qui s'éloignait. Derrière lui, la salle avait commencé à se remplir dans l'agitation qui caractérise toutes les foules. Aurora savait que bientôt, la cérémonie commencerait, qu'elle et Poukram allaient savoir s'ils étaient pris. Mais elle ignorait tout de l'épreuve et la redoutait à cause de cette inexpérience. Près d'elle, le Juste comprit son sentiment :

- Ne t'en fais pas, tout se passera bien, la rassura-t-il en l'entraînant avec lui au cœur de la grande salle.
- Vous êtes l'un des Justes ?
- Non, Aurora, mon nom est Gonoe Magma, je suis ce qu'on appelle un Gardien, l'un de ceux qui veillent sur les Justes.
- Vous savez comment se déroule la cérémonie ?
- Oui, bien sûr. Tu n'as pas à t'en faire. Il n'y a rien de plus simple. Les mentors testeront vos esprits et si vous possédez la pureté et la force nécessaire, ils vous enseigneront la connaissance des Justes. Mais ça n'est pas sorcier.
- Et on connait d'avance le nom des mentors qui nous interrogent ?
- Non, répondit le Gardien avec un sourire amusé.

Puis il la poussa doucement devant lui, vers la foule des candidats qui s'amassait aux pieds des escaliers de marbres, à l'autre bout de la salle. Poukram les suivait, mais Jing et Aiśa les avait quittés pour rejoindre le groupe des Justes. Quelques uns, arborant la même insigne pourpre que Gonoe, avaient gravi les degrés qui menaient vers une rotonde bordée de tentures d'or. Parmi eux, Aurora reconnut Confucius.
Lorsque chacun eut pénétré dans la salle, les lourds battants se refermèrent dans un bruit sourd. Là-haut, sur le balcon, trois hommes firent leur apparition, l'un d'eux était Sammako. Ils portaient tous les trois la robe d'or des Princes. Confucius gravit les dernières marches qui le séparaient d'eux et l'un des trois lui remit un globe de verre dans lequel scintillait une gerbe de flammes orangées. Il l'éleva au-dessus de sa tête et chacun se tut.
Sous l'oeil vigilent des Princes d'Éternité, sous la gouverne sage des Gardiens, la cérémonie d'initiation allait commencer. Et Aurora, comme tous les autres, sentit son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine. Serait-elle à la hauteur ? Elle l'espérait...

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:12

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Malédiction des Anathèmes


À Sionabel, pour toujours...



Depuis des années, la ville ne connaissait plus le calme. Les uns luttaient contre les autres. La corruption, la peur, les manipulations et la guerre agitaient les rangs des citadins. Ça n’en finissait plus. Les enfants grandissaient dans ce climat d’horreur, les familles luttaient pour survivre et se nourrir. Accroupi contre la pierre froide d’une meurtrière, Lord Kael observait la ville qui s’étendait à ses pieds, les tourelles acérées, les toits appuyés les uns sur les autres.
Il y avait tant à faire pour lui rendre la paix. Quelque part entre les murs démunis, la solution dormait encore. Derrière lui, dans le calme de la grande salle, la nourrice racontait une histoire aux jeunes enfants du château. Et lui, l’aîné de cette famille de sang royal, il écoutait d’une oreille distraite ces contes qu’il connaissait déjà par cœur depuis qu’il avait été en âge de les entendre.
Ces histoires, Aurora, la sibylle, les savait aussi et parfois, lorsqu’elle traversait les corridors de pierre froids, dans ce froufrou caractéristique, il arrivait qu’elle s’arrête pour essuyer les larmes d’un enfant et, pour le calmer, elle lui parlait d’Astrée, au pays des Justes. Elle savait mieux que quiconque raconter ce savoir et parler du don des Justes. Et quel don !
Ils existaient pour punir, pour traquer les injustices, les inégalités et les corruptions et les âmes entachées étaient punies par l’enfer. Rien de moins que l’enfer. Les Justes avaient tout pouvoir sur les âmes, savaient mieux que quiconque les manipuler. Ils pouvaient, d’un unique sortilège, arracher la vie qui battait à votre poitrine et l’expédier au plus profond des sept cercles de l’enfer pour vous y faire passer les jours les plus détestables de votre vie. Si vous aviez la chance de revenir à la vie, vous en restiez marqué pour le restant de vos jours.
Pourtant, cette menace n’empêchait pas les crimes. Chaque enfant apprenait, tôt ou tard, la légende des Justes, mais la noirceur des villes les poussait à tenter leur chance dans les armées de l’ombre, risquant de soulever le courroux des Justes à tout moment. Cent fois, Lord Kael s’était demandé ce qui pouvait amener ces âmes jusqu’au crime, mais il n’y avait pas d’explication logique, rien que les ténèbres qui régnaient sur le monde, les ténèbres de la malédiction des Anathèmes.

* * *


Un après l’autre, les candidats furent appelés par Confucius. Ils passaient devant le Gardien et deux mentors s’avançaient vers eux, sondaient leur esprit, puis les laissaient repartir, les invitant à suivre l’un des Princes qui les raccompagnaient derrière les tentures d’or. Les commentaires fusaient à voix basse, révélant l’enthousiasme de ceux qui attendaient encore d’être choisis par les maîtres. Près d’Aurora, Poukram jubilait.

- Si tu veux, je passe avant toi et je te dirai comment c’était, proposa-t-il à la jeune femme.

Elle sourit, mais ne répondit pas. Elle était anxieuse, pensive. Le candidat suivant, Silenoz, quitta les marches à son tour et Poukram adressa un sourire confiant à sa voisine. À l’appel de nouveaux volontaires, il leva la main et s’avança. Aurora ne le perdit pas des yeux, mais elle ne le voyait pas. Elle songeait à l’épreuve. Qu’allaient-ils chercher dans l’esprit des candidats ? Qu’y avait-il de si important ?
Elle croyait connaître les Justes, mais les connaissaient-elles assez pour faire partie de leurs rangs ? « Ça n’a rien de sorcier », avait dit Gonoe. Pourtant, ses pensées étaient obnubilées par la force grave et noble qui se détachait de chacun de ces hommes et femmes. Elle était si loin d’avoir un tel charisme. On se retournait sur la route de telles personnes, avant tout à cause de l’insigne qui flamboyait sur leur poitrine, parce qu’ils étaient l’objet des croyances les plus folles, parce qu’on les craignait et les respectait.
Aurora n’était pas bien sûr de posséder une telle influence sur les foules. « Ce n’est pas sorcier ». Était-ce inné alors ? Est-ce qu’elle allait apprendre ? Aurait-elle la force pour le faire et les mentors qui allaient sonder son esprit verraient-ils en elle sa volonté de donner son meilleur ? Pourraient-ils lire-ils en elle son désir d’appartenir à l’unité redoutable des Justes ? Elle aurait voulu savoir comment se déroulait l’épreuve pour se préparer, mais elle n’avait aucune indication, juste les propos rassurants du Gardien : « Ce n’est pas sorcier… »
La jeune femme vit Poukram s’éloigner à son tour puis se décida. Elle leva une main tremblante. Le regard de Confucius se tourna vers elle et il hocha la tête dans sa direction, lui faisant signe de monter auprès de lui. C’était son tour. Alors elle s’avança jusqu’à Confucius. Le regard sembla la transpercer de part en part, puis se tourna vers les Maîtres et Gardiens réunis sur les marches. Il ne prononça pas une parole, mais quelque chose changea dans son regard et Aurora comprit qu’il communiquait avec les autres sans pour autant avoir besoin de mots. Elle n’en fut que plus impressionnée.
Deux hommes s’avancèrent et elle reconnut Gonoe parmi eux. C’était donc lui qui allait l’évaluer. Le soulagement qu’elle éprouva fut tel qu’elle oublia ses craintes le temps de franchir l’espace qui la séparait d’eux. Le Gardien lui adressa un sourire complice.

- On va faire comme si tu ne me connaissais pas, commença-t-il tandis que derrière eux, Confucius appelait un autre candidat. Mon nom est Gonoe Magma, septième Gardien de l’Ordre des Justes et ancien Mentor.
-Je suis Stormbringer, Juste de la Cité des Sextán et Mentor. Nous sommes là pour te faire passer l’épreuve, annonça le deuxième homme.

La jeune femme hôcha la tête. Elle savait. Alors, Gonoe posa ses mains sur ses tempes et son esprit vola à la rencontre de celui de la candidate...

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:13

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Malédiction des Anathèmes


À prik, ce "konnard" inutile et trollant de mes nuits !



Aurora ne sentait rien, puis il y eut un picotement, là où les doigts du Gardien s’étaient posés autour de son front. Alors elle ferma les yeux et se concentra sur la sensation. Progressivement, elle sentit la présence des deux hommes en bordure de son esprit. Elle savait qu’ils étaient là, mais elle ignorait encore comment les atteindre ou comment entrer en contact avec eux.
Durant de longues secondes, il ne se passa rien, puis elle sentit les pensées de Stormbringer peser sur sa conscience. Il ne communiquait pas, il imposait simplement sa présence au cœur de son esprit, lentement, comme une pression qui s’accentue, que l’on peut sentir sans savoir la fuir. Au départ, Aurora se laissa faire, ne sachant pas comment réagir. Mais bientôt, la présence fut si importante qu’elle devint oppressante.
Elle chercha à l’éviter, mais n’y parvint pas. Comment l’aurait-elle pu ? Elle ne savait encore rien des pouvoirs des Justes. Elle était prisonnière de son propre esprit et Stormbringer avait tout le loisir de pénétrer plus avant au cœur de sa conscience. L’oppression devint rapidement intolérable. Aurora sentait la présence de Gonoe qui demeurait à l’horizon et celle du Maître qui l’écrasait sans répit, sans pitié.
Elle chercha à se replier au fond d’elle-même, parce que c’était son seul refuge, parce qu’elle ne pouvait pas le repousser, mais elle ne trouva aucune barrière qui ne soit assez puissante pour résister à l’invasion lente et sournoise du Juste. Alors elle vit son attaque venir sans trouver de solution. Une pensée, unique, sauvage et déroutante s’infiltra au cœur de l’esprit d’Aurora. Une pensée de feu et de flamme.
Bientôt, il n’y eut plus que ces flammes, partout au cœur de sa conscience et la présence brûlante de Stormbringer qui maîtrisait tout comme un chef d’orchestre et qui l’observait, qui la sondait jusqu’au plus profond de son cœur. Elle ne savait plus songer à autre chose qu’à l’incendie qui la dominait toute entière. Et sur le passage de ces flammes terrifiantes, il n’y avait plus rien que le noir, les ténèbres, le vide et l’angoisse. Son esprit se mourait. Ses pensées…
Mais ce n’étaient que des pensées, pas ce qu’elle était ? Pourquoi ressentait-elle tellement la peur alors qu’elle savait qu’elle n’était pas en enfer, que tout cela n’était qu’une manipulation de la part de Stormbringer ? Elle ne pouvait pas mourir, ils ne pouvaient pas annihiler ainsi ceux qu’ils testaient. La même peur qui avait dû saisir le cœur de tous les autres s’était emparé d’elle et elle luttait pour la repousser.
La jeune femme savait. Elle avait compris la superficialité du sort. Tout cela était faux. Et parce que c’était faux, elle pouvait le repousser et elle le fit. En quelques secondes seulement, la présence de Stormbringer s’atténua, puis disparut entièrement, ne laissant que celle de Gonoe et plus loin, celles d’autres Justes dont elle sentait la conscience sans parvenir encore à les identifier.
Lorsqu’elle ouvrit finalement les yeux, elle aperçut les deux Maîtres. Gonoe l’observait attentivement, un sourire satisfait au coin des lèvres. Le Gardien hocha gravement la tête et désigna les Princes d’un signe du menton.

- C’est fini Aurora. Va. Ils te diront la voie à suivre.

Déjà, Sammakko descendait à la rencontre de la jeune femme, le regard plein de malice. Sans se questionner, elle s’avança à son tour, ne quittant qu’à regret la présence mentale du Gardien pour se glisser près de celle, nimbée de mystère, du Prince d’Éternité.
Au moment où Sammakko l’invitait à le suivre, la porte de la salle s’ouvrit à la volée dans un fracas terrible. Un homme entre deux âges vêtu d’une toge noire fit irruption dans la pièce. Son visage blême reflétait l’horreur.

- Les Anathèmes ! Hurla-t-il.

Ce seul mot jeta un froid sur l’assemblée. Les Candidats s’agitèrent et certains se tournèrent vers la porte comme pour y chercher une issue, mais soudait, l’auteur de ce message d’alarme poussa un cri et s’effondra, face contre terre. Une flèche transperçait son corps. Alors, l’horreur céda la place à la panique. Ce qui n’avait été qu’une vague rumeur d’étonnement se transforma en hurlement de frayeur. Parmi les Justes, ceux qui étaient armés tirèrent à eux épées, dagues et arcs. Les Mentors renvoyèrent leurs candidats et dégainèrent à leur tour.

- Protégez les Princes ! Lança Confucius.

Sa voix couvrit le bruit, porta jusqu’aux Gardiens disséminés à travers la salle et ceux qui ne s’empressaient pas pour clore la porte béante se replièrent autour des Princes. Sammakko plongea son regard dans celui d’Aurora, qui ne réalisait pas encore. La stupeur la figeait. Il n’y avait aucune peur dans les yeux d’or, mais il n’y en avait pas davantage dans ceux de la jeune femme.

Durant une fraction de seconde, le temps sembla avoir suspendu son cours. Le Princes d’Éternité jaugea celle qui se tenait à ses côtés, évaluant sa force et son courage. Puis il parla, sans hâte, malgré la situation et avec calme.

- Viens avec moi, lui intima-t-il.

Et au cœur de son esprit, Aurora accueillit la pensée du Prince : « Aurora, tu feras partie des nôtres, tu seras Juste parmi les Justes, pourvu que ta volonté t’ouvre la porte des Enfers. »


À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:15

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Les Enfers


À Sionabel, qui subit ma folie !



Qu’étaient les Enfers et pourquoi avaient-ils failli les craindre quand tout sur terre ne semblait en être que la représentation ? Où était la limite entre la vie et la punition des Justes ? Chaque jour, des femmes étaient violées, égorgées comme des truies sur l’autel de quelque démon ou brûlées vives en guise de châtiment.
Des bambins périssaient, abandonnés à la vue de tous dans la lumière grise des jours et des rues. Des enfants tuaient leur première victime pour un morceau de pain ou une guenille. De quoi vivre. Des sorciers faisaient fortune à force d’élixir supposés repousser les démons et, pour les plus riches, ils avaient même le remède miracle contre la malédiction. Effet garanti, limité à l’heure. Combien se laissaient berner par peur de voir les Anathèmes surgir ? Combien achetaient pour se croire plus forts, plus à l’abri que les autres ? Comme si une potion pouvait leur éviter le joug de la malédiction.
Lord Kael grimaça face à l’horreur que lui inspirait la situation, puis se reprit aussitôt. Après tout, il y avait pire que la stupidité humaine dans laquelle il baignait constamment. Un instant, il réfléchît à la situation qui était la leur. Les anathèmes, c’était là tout le problème. Sans eux, le monde aurait sans doute tourné plus rond.
Bien des siècles auparavant, les Enfers étaient isolés du reste du monde, il y avait entre les deux des barrières puissantes, fortifiées par la magie ancestrale. Les âmes damnées de l’Enfer restaient cantonnées au cœur des sept cercles et les vivants n’avaient aucun contact avec eux. Puis, il y eu la guerre noire, qui opposa les Justes et les Prodromes, conflit idéologique qui plongeât le monde dans les ténèbres d’une manière permanente et poussa les Justes à s’exiler sur Astrée, seul ilot épargné par la gangrène de la terreur.
Le monde assista à l’escalade de la violence entre les deux camps. Le temps acheva d’effacer, chez les uns comme les autres, toute raison et tout souvenir de causes réelles qui avaient motivé la guerre. Pour y mettre un terme, on ne lésinait plus sur les moyens. On usa de la magie là où les armes ne suffisaient plus, et les sorts, de plus en plus puissants, fusaient, détruisant et anéantissant tout.
Mais la guerre ne faisait que s’embourber d’avantage. Alors, l’ultime sort fut lancé. Personne ne sut si son auteur était un Juste ou un Prodrome. On ne vit que les conséquences. Une brèche se créa entre les Enfers et le monde réel et les âmes damnées envahirent le monde, le plongeant un peu plus dans les ténèbres.
Les Prodromes cherchèrent à lutter contre ce fléau et, pour la première fois, ils durent s’allier aux Justes. Mais ils furent décimés les premiers. Les uns furent simplement « effacés » par les damnés, tandis que les autres furent possédés et devinrent des ombres noires que l’on nomma les Anathèmes. Ils étaient doués d’une magie si puissante que les Justes ne parvinrent jamais à les repousser au-delà de la barrière infernale. Ils parvinrent cependant à contrôler la faille et à creuser un portail entre les deux mondes pour empêcher la venue d’autres âmes.
Quant aux Anathèmes, privés de solution de replis, ils lancèrent sur le monde une malédiction terrible, liée à une prophétie non moins absolue : La lumière des hommes se gangrènerait jusqu’aux ténèbres et leur monde s’éteindrait, jusqu’à les sept cercles de l’enfer leur soient si doux qu’ils préfèrent être damnés que vivants.
Et la tendance s’était inversée, les hommes étaient devenus mauvais, au point que le monde devienne un enfer parallèle. Les Justes, devenus malgré eux les Gardiens des Enfers avaient entrepris de ralentir le processus en veillant sur les villes et les crimes que les Anathèmes inspiraient aux hommes étaient punis d’un séjour aux enfers. Aussi cruel que ça paraissait, cela conservait un minimum de calme et de sérénité au sein des villes meurtries.
Lord Kael le savait parce qu’il connaissait par cœur les vieille histoires. Il connaissait également quelques Justes et avait conscience de la lourde tâche qui était la leur. A présent, Aurora avait demandé à faire partie de leurs rangs. Appuyé à la meurtrière, le guerrier redouta le sort de son alliée. Serait-elle acceptée ? Il l’ignorait encore. Il savait seulement que là, dehors, l'enfer était partout, avec ou sans les Justes.

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:16

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
L'Impact


Au guest star qui hante mes nuits...



Les deux premiers Princes d’Éternité quittèrent la salle les premiers. Sammakko, protégé par les Gardiens, demeura en arrière encore quelques secondes. Les plus vieux Gardiens tentaient de refermer la lourde porte tandis que les Justes avaient encadré les candidats pour les guider vers la sortie, derrière les tentures. Une flèche traversa la salle, puis une autre. Les battants qui se refermaient furent frappés par une force phénoménale et les Gardiens qui les repoussaient durent s’écarter précipitamment pour éviter d’être écrasés sous les montants de bois qui avaient été délogés de leurs gonds. Une vague noire et houleuse envahit la salle.
Aurora n’eut pas le temps de voir à quoi ressemblaient les Anathèmes. L’horreur atteignit son apogée lorsque une flèche enflammée se ficha au cœur des tentures, embrasant le tissus rouge et or. Gonoe s’empressa de pousser la jeune femme vers la sortie. Un escalier descendait vers les coulisses. Les plafonds bas et les corridors étroits ralentissaient leur course et à plusieurs reprises, Aurora, bousculée de toutes parts, perdit de vue ses deux protecteurs. Mais très vite, l’un d’entre eux jaillissait auprès d’elle et la guidait à nouveau.
Ils débouchèrent finalement de l’autre côté du temple, à flanc de collines. Justes et Gardiens s’éloignèrent le plus vite possible. Sammakko, une fois encore, laissa ses deux compagnons le devancer pour observer la progression des autres. Il lança un ordre qu’Aurora ne comprit pas et reprit sa course. Les Gardiens luttaient pour le protéger, mais on aurait dit qu’il évoluait seul, sans se préoccuper de leur présence. Sans arrêt, ils revoyaient leur trajectoire pour s’adapter à sa course qui semblait particulièrement hasardeuse.
Aurora, qui ne savait pas encore si elle devait céder à la panique ou observer le calme du Prince, hasarda un bref coup d’œil par-dessus son épaule. Les rangs dispersés des Justes fuyaient, sans ordre, dans la déroute la plus totale. Quelques-uns restaient en arrière et, un genou à terre, ils bandaient leurs arcs pour tenter de repousser ou retarder les Anathèmes qui n’avaient pas encore quitté le temple. Aurora aperçut Confucius, un peu plus loin. Il fuyait lui lui aussi, portant entre ses bras l’une des Justes. Elle avait été blessée. Les voiles déchirés de sa tenue flottaient autour d’eux et ses pieds nus, menus comme ceux d’une enfant, pendaient, sans mouvement.
Médusée, Aurora ne parvenait pas à détacher son regard de l’horreur qui se déroulait sous ses yeux. Elle sursauta violemment lorsqu’une main s’abattit sur son épaule. C’était celle de Sammakko. Le regard sévère du Prince la transperça comme la lame d’une épée acérée.

- Ne tarde pas, la gronda-t-il sans colère.

Sans répondre, elle lui emboîta le pas et continua sa progression. Devant eux, les Grandes Roches se dressaient, ils seraient bientôt à l’abri. Derrière elle, Gonoe l’encouragea d’un geste amical et passa devant elle pour la précéder. Lorsque le terrain devint plus accidenté, il l’aida à escalader les rochers tranchants, lui indiquant par l’exemple le chemin le plus sûr. Ils grimpèrent longtemps en silence. En contrebas, les cris avaient cessé, mais parfois, un choc sourd leur indiquait que le conflit avait toujours lieu.
Aurora n’osait plus s’arrêter pour jeter un coup d’œil par-dessus son épaule. La première réprimande du Prince d’Éternité lui suffisait d’avertissement. D’ailleurs, Gonoe n’aurait certainement pas toléré qu’elle le fasse attendre. Alors, elle grimpait avec lui, l’œil rivé sur le trio plus ou moins uni des Princes, sans se préoccuper de Poukram qui cavalait un peu plus bas au côté d’autres Justes, pas plus que des candidats qui suivaient Confucius de plus ou moins loin.
Enfin, ils parvinrent à un petit promontoire, plus profond que large, qui s’enfonçait sous la pierre noire des Grandes Roches. Sammakko s’arrêta et se pencha au-dessus du gouffre pour observer la progression des autres. Gonoe entraîna Aurora vers le fond de la crevasse, mais la jeune femme, même depuis l’ombre glacée de la pierre, ne put détacher son regard du Prince. Il avait rejoint ses deux compagnons et tous trois répartissaient Justes et apprentis au fur et à mesure qu’ils rejoignaient le promontoire, qu’ils jugeaient apparemment sécuritaire.

- Les Anathèmes ne viendront pas jusqu’ici, expliqua Gonoe, comme s’il avait lu dans les pensées de la jeune apprentie.
- Pourquoi ? Interrogea-t-elle, perplexe.
- Les Grandes Roches sont sacrées. Tu l’apprendras plus tard, pendant ta formation.

Puis le Gardien se releva et jeta un dernier regard vers la jeune femme, comme s’il hésitait à lui dire quelque chose.

- Essaye de te reposer, finit-il par dire. Demain, la journée risque d’être longue.

Aurora hocha la tête sans comprendre et le regarda disparaître au milieu des groupes qui affluaient à présent. Puis elle imita les autres et se roula en boule sur le sol pour chercher à trouver le sommeil. C’était peine perdu. Les pensées qui tournaient dans sa tête était bien trop nombreuses. Elle entendait les murmures de quelques Justes qui discutaient à voix basse près d’elle et les explosions sourdes qui devaient venir de la vallée.
Progressivement, à mesure que les fugitifs cessaient de rejoindre le plateau, tout replongea dans le silence et la nuit tomba, amenant avec elle son cortège d’étoiles et des températures moins clémentes. Pourtant, Aurora demeura éveillée, les yeux grands ouverts dans la nuit. Là-bas, à l’autre bout du plateau, un petit groupe s’était réuni autour de la lueur de quelques flambeaux. Elle avait reconnu quelques Gardiens et le trio des Princes. Bientôt, elle vit Sammakko s’approcher, l’un des flambeaux à la main.
Lentement, il passait entre les rangs ensommeillés. La plupart dormait, vaincu par les émotions de la journée. D’autres veillaient et il se penchait parfois au-dessus de l’un d’entre eux, répondait à quelque question puis reprenait sa marche silencieuse, veillant sur les siens au lieu de trouver son propre repos. Il s’arrêta finalement près de Confucius, à quelques pas d’Aurora. Le Gardien était resté près de lui la Juste blessée. Le Prince vérifia le pansement et échangea quelques mots avec l’homme. Sérésia, elle s’appelait Sérésia. Elle avait été blessée en veillant sur les candidats.
Le Prince reprit sa route. Lorsqu’il passa près d’elle, Aurora l’observa derrière ses sourcils baissés. Elle vit le Prince hésiter, le temps d’une fraction de seconde, puis s’éloigner. Mais quelque chose avait effleuré sa conscience, elle l’avait senti, aussi infime que cela ait pu être.
Lorsque la lumière s’estompa à la frontière de son champ de vision, Aurora s’attarda sur la sensation qui l’avait troublée. C’était une impression étrange, pas vraiment menaçante, mais pas exactement bénéfique non plus. Elle se souleva sur un coude et risqua un coup d’œil par-dessus son épaule. La lueur tremblante du flambeau montait vers les sommets des Roches, plus haut encore que le premier plateau. La jeune femme se releva et s’assit pour suivre l’étrange progression.

Puis, brusquement, une lumière aveuglante creva l’horizon. Elle provenait de la vallée. La déflagration qui suivit éveilla tous ceux qui avaient réussi à trouver le repos. Aurora était déjà debout, le regard rivé au fond de la vallée. Là où avait été le temple, il n’y avait plus qu’un puits insondable et des ruines incendiées. Alors, la pression qui occupait les pensées d’Aurora s’accentua et elle comprit. La présence qui titillait son esprit, c’était celle de Sammakko et la conscience du Prince volait déjà vers Aradia, que les Anathèmes allaient détruire. Ce soir-là, il n’y aurait pas de repos pour les Princes.

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:16

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Légende du Roi


À gh0sty et Frog, pour le délire.



Le souffle de l’explosion avait ébranlé jusqu’aux Grandes Roches. En contre bas, une fumée noire et nauséabonde montait vers le ciel, masquant parfois totalement l’éclat des flammes qui ravageaient la ville. Aurora avait senti la pression mentale de Sammakko passer à travers elle et gagner la Cité sans comprendre quel procédé cela enclenchait, jusqu’à ce que la voix du Prince ne s’élève dans son dos.

- Tu devais te reposer…

Surprise, elle se retourna. Son regard se porta avec étonnement vers la falaise où brillait encore le halo lumineux du flambeau puis sur le visage impassible de l’homme.

- Vous étiez… Commença-t-elle.

Mais le regard d’or se détacha d’elle, se porta sur la Cité ruinée et elle n’eut pas le courage d’achever sa phrase. Qui était-elle pour oser interroger ainsi un Prince d’Éternité ? Au demeurant, il ne l’écoutait déjà plus, il rejoignait le groupe de ses semblables qui veillaient toujours à l’écart du groupe. Les Gardiens semblaient agités, nerveux.
Préoccupée, Aurora observa l’unité qui était la leur. Sammako échangea quelques mots avec Gonoe et leurs regards se fixèrent sur la jeune femme. Celle-ci rougit avant de retourner s’allonger. Des centaines de questions affluaient dans son esprit. Pourquoi avait-elle ressenti la présence mentale du Prince ? Pourquoi avait-il exploré son esprit ? Comment et pourquoi les Anathèmes avaient-ils détruit Aradia ? Et surtout, qui étaient les Anathèmes ? À aucun moment, elle n’avait eu l’occasion de les apercevoir.
Aurora ne trouva pas immédiatement le sommeil. Longtemps, elle fixa l’ombre. Des éclats de lumières en provenance de la ville crevaient parfois la nuit et elle se redressait légèrement, hasardant un coup d’œil sur les rangs endormis, remarquant ça et là les mouvements de ceux qui, comme elle, étaient gagnés par l’inquiétude.
Lorsqu’elle s’endormit enfin, ce fut roulée en boule contre la pierre froide de la falaise et d’un sommeil si lourd qu’elle n’entendit pas les premiers Justes s’éveiller pour commencer à organiser le départ. L’aube se levait à l’horizon, aussi grise et morne que le cœur et les pensées des guerriers. Un par un, les candidats furent tirés de leur sommeil par des Gardiens ou des Mentors. L’un d’entre eux s’arrêta près d’Aurora et se pencha vers elle.

- Lève-toi et suis moi, nous partons.
- Tous ? Interrogea une jeune candidate à côté d’eux.
- Oui, répondit le Juste.

Des groupes se formaient, à chaque fois, un Mentor ou un Gardien prenait avec lui trois candidats et une fois prêts, ils attendaient au pied de la muraille de pierre. Une dizaine de Justes encadrèrent les aspirants qui restaient, puis, Sammakko en tête, ils quittèrent le plateau. Aurora ne comprenait pas et elle était loin d’être la seule. Les murmures qui s’élevaient des rangs disaient toute la perplexité des jeunes recrues. Enfin, Confucius vint à leur rencontre et fournit les explications attendues.

- Vous avez été jugés aptes à être formés pour devenir Justes parmi les Justes. Chaque mentor prendra en charge trois apprentis parmi vous. Les groupes ont déjà été formés. Vous êtes donc désormais sous la protection de votre Mentor. Lorsque vous aurez des questions, vous les lui poserez, s’il vous dit de dormir, vous dormez, s’il vous dit de mourir, vous le faites aussi.

Quelques rires nerveux s’élevèrent.

- Les Mentors vous formeront tous ensemble, mais à partir de maintenant, votre seule famille, c’est votre Mentor et vos trinômes. Durant les prochains jours, nous allons voyager et vous serez amenés à apprendre les rudiments du métier. Nous ne nous arrêterons pas en chemin parce que vous avez mal aux pieds et nous ne reviendrons pas ici pour vous remettre dans le bateau qui vous ramènera chez Maman-Papa. Donc vous avez tout intérêt à apprendre à vouer une confiance absolue à votre Mentor et à être prêt à nous suivre et à travailler fort. Si vous ne l’êtes pas, je vous suggère de prendre vos jambes à votre cou et de rejoindre le groupe qui descend actuellement jusqu’au port.

Cette fois, il n’y eut pas de réactions. Les jeunes recrues étaient trop impatientes de commencer pour laisser l’angoisse les gagner. Il n’y eut donc aucun volontaire pour rejoindre Sammakko et ceux qui n’avaient pas été acceptés. Alors, au bout de quelques minutes, Confucius donna le signal du départ et le groupe s’ébranla le long de la paroi rocheuse.

- Potenza, c’est mon nom, annonça le Mentor qui menait le groupe d’Aurora.

Le groupe était composé de Silenoz, un jeune apprenti, qui devait avoir deux ou trois ans de moins qu’Aurora et d’Isa, une femme au caractère bien trempé malgré son âge avancé. Tous trois sympathisèrent immédiatement et Potenza les laissa faire connaissance, avançant un peu en retrait du trio, mais toujours en gardant une oreille attentive sur leurs discussions.
Laissant ses trinômes discuter ensemble, Aurora se mit sur la pointe des pieds pour jeter quelques regards en direction du groupe de tête. Elle espérait apercevoir Poukram, ou à défaut, les apprentis qui avaient la chance d’avoir Gonoe comme Mentor. Mais l’homme avançait seul en tête de file, accompagnant les deux autres Princes d’Éternité avec plusieurs autres Gardiens. Aucune recrue ne lui avait été assignée. Quant à Poukram, il avançait à quelques mètres de là, auprès d’un Mentor qu’Aurora n’avait encore jamais vu.
Les différents groupes suivaient les Princes le long de la paroi rocheuse. Ils avaient gagné un sentier de pierre qui montait vers les sommets, le même sentier par lequel le flambeau de Sammakko avait disparu la veille au soir. Les aspérités poussaient chacun à la prudence et leur progression était ralentie, mais avant le milieu de la journée, ils avaient déjà parcouru la moitié de la distance qui les menait au sommet.
Alors, l’éclatante blancheur d’un obélisque leur apparut. Puis celle d’un second, et enfin, le cercle complet de ces doigts de pierre dressés vers le ciel comme pour le prendre à témoin du destin des hommes.

- Le berceau du Roi, expliqua Potenza à son trio de disciples.
- Le Roi ? Interrogea Silenoz.
- Il existe un seul être plus puissant que les Princes d’Éternité, c’est le Roi.
- Jamais entendu parler, nota l’apprenti.
- Peu de personnes l’ont déjà vu ou en ont déjà entendu parler. Même parmi les Justes.

Aurora eut une moue sceptique. Si elle avait déjà entendu parler du Roi, c’était comme d’une sorte de Dieu auquel on ne croyait pas ou plus. Une légende, rien de plus. Mais si ça l’était, pourquoi les Justes l’entretenaient-ils ?

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:19

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Le Gardien


À gh0sty et Frog, pour le délire.



Les jours passèrent, les uns après les autres, avançant sans se ressembler. Confucius les guida jusqu’au col le plus proche. À cette altitude, l’oxygène était plus rare et la neige couvrait les roches d’une épaisseur déjà conséquence. Le froid engourdissait les membres des apprentis qui n’étaient pas équipés pour une telle expédition, mais ils continuaient à avancer.
Chaque jour, un Mentor s’arrêtait avec quelques recrues et leur enseignait ce qu’il savait. Sitôt le cours fini, ils devaient rattraper le reste du groupe qui poursuivait sa route. Cela permettait aux mentors de se relayer auprès des élèves. La course des Justes n’était pas ralentie par les cours et apprentis progressaient sans avoir à pâtir de cet imprévu. Ils avaient dépassé le col depuis une bonne semaine lorsqu’une certaine nervosité se fit sentir chez les Gardiens.
Sammakko n’était toujours pas revenu du port et parfois, Aurora et Poukram entendaient les Justes discuter entre eux : cette absence les inquiétait. Il était rare que les trois Princes d’Éternité ne soient pas ensemble. Pourtant, les cours se poursuivaient comme si tout allait bien et à la longue, les apprentis ne surent plus quoi penser. Ils apprirent l’histoire des enfers et des Anathèmes, bien que la plupart d’entre eux aient déjà acquis ces bases.
Puis, les choses sérieuses commencèrent. Ils apprirent comment détecter les âmes noires, comment les contraindre les châtiments qu’ils étaient autorisés à donner et de quelle façon ils devaient le faire. Plus les apprentis gagnaient en expérience, plus ils apprenaient des sorts ou des techniques capables de retenir les Anathèmes ou de contrôler les âmes. Et ils découvraient avec étonnement que le pouvoir des Justes étaient presque infini. Pourtant, certains aspects de ce pouvoir leur était rigoureusement interdit, de telle sorte qu’il se créait parfois des discussions houleuses sur le bien fondé des pouvoirs qu’on leur enseignait.
Enfin, il y eut les premières épreuves. Un jour, Confucius lui-même entraîna les recrues. Aurora, Poukram et Silenoz s’installèrent auprès de plusieurs autres apprentis et le Gardien entreprit de leur expliquer la procédure.

- Comme pour la cérémonie d’initiation, je vais envahir vos esprits et vous proposer à chacun une situation que vous devrez résoudre mentalement. Inutile d’essayer d’utiliser vos nouveaux pouvoirs de télékinésie pour vous aider entre vous, je le saurai.

Graves, les apprentis hochèrent la tête et l’épreuve commença. Immédiatement, Aurora sentit la vieille présence familière qui pénétrait ses pensées. Elle avait fait d’énormes progrès depuis le début de leur périple et savait désormais contrôler ses pensées de façon à protéger son intégrité mentale. Elle laissa donc le Gardien s’installer en bordure de son esprit et lui imposer la vision d’une ville. Il lui indiqua le problème : un homme avait brisé son âme pour pouvoir posséder un corps étranger.
Aurora connaissait cette situation par cœur. Elle l’avait étudié et révisé avec Potenza. Elle savait la sentence : tuer l’âme dédoublée et expédier le fautif aux enfers. Il fallait pour cela ouvrir le grand portail. Mais au moment où elle allait le faire, la situation changea. La ville se modifia et elle reconnut le temple des âmes… intact. Elle vit une silhouette remonter du port et reconnut Sammakko. Il était seul. Déjà, le dernier bateau renvoyait les candidats refusés chez eux.
Et alors que le Prince levait les yeux vers la montagne, alors que les prunelles d’or fixaient Aurora sans la voir – ou en la voyant – une ombre apparut soudainement dans le dos de l’homme. Une ombre menaçante, terrible, qui banda un arc d’argent et de lumière sans un bruit et tira. Le cri d’Aurora fusa en même temps que la flèche, en même temps que celui du Prince. Dans les pensées de la jeune femme, il y eut un choc, puis le noir.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle aperçut la flèche. Elle transperçait l’épaule du Gardien. Et les prunelles grises, agrandies par l’étonnement, étaient rivées sur elle, comme si elle avait été responsable.

FIN de la première partie. À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:29

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Arc et Vision


L’éternité n’est rien d’autre que ce qu’on en fait…



Sammakko avait regagné les abords de la ville lorsque la vision jaillit au cœur de ses pensées. Le choc et la violence des images l’avertirent d’un danger imminent avant même qu’il n’ait interprété leur contenu. Instinctivement, il comprit que les siens étaient en danger et son esprit s’envola vers la montagne. Il rencontra le premier groupe presque instantanément et la présence toujours circonspecte de Confucius vola à sa rencontre. Une fraction de seconde plus tard, les détails de l’accident se déversaient dans ses pensées. Aurora, le choc, la blessure.
Lorsqu’il se détacha de Confucius pour explorer la conscience des apprentis, Sammakko comprit que quelque chose clochait. La peur et la surprise aurait dû être les seules pensées qu’il puisse capter dans l’esprit des jeunes recrues, mais celui d’Aurora ne lui en laissa pas l’occasion. Elle le repoussa, ne lui permettant pas d’approcher ni de lire ses sentiments. Ce qu’elle avait vu ou fait, elle le lui cachait pour la première fois.
Pourtant, ce n’était pas volontaire. Dans la tension nerveuse qui émanait d’elle, il y avait comme une excuse. Elle ne contrôlait pas la fermeture de son esprit. Elle était simplement sous le choc. Laisse-moi t’aider… lui intima-t-il mentalement. Non, ce n’est pas ton rôle, répondit-elle en le repoussant à nouveau, consciemment cette fois. Malgré la gravité de la situation, le Prince sourit. Il était trop souvent sollicité et il était bien rare que l’on refuse une aide qu’il proposait de lui-même. Mais déjà, la présence mentale de Gonoe enveloppait celle de la jeune femme. Elle n’était pas seule.
Sammakko reporta alors son attention vers Confucius. La blessure n’était pas grave, mais elle handicapait gravement le Gardien. Celui-ci tentait malgré tout de rassurer ses apprentis et les pressait déjà vers un abri de fortune, entre deux pans de glace. Un peu plus haut, Gonoe et quelques Justes dévalaient la montagne pour venir en renfort. Une fois que le Prince se fut assuré de la sécurité des siens, il entama le long processus d’incantation.
Les mots glissèrent de sa bouche, perles magiques, et ses mains tracèrent les cercles habituels sur le sol. Quelques minutes plus tard, il avait franchi l’espace qui le séparait des siens et retrouvait Confucius. L’inquiétude se lisait dans le regard du Gardien. Sammakko l’entraîna à l’écart pour lui parler.

- Que s’est-il passé exactement ?
- Je lui ai fait passé le test et elle a modifié la vision. J'ignore comment. C’était elle qui tirait la flèche, expliqua le Gardien.
- Elle ne l’a pas réellement fait, corrigea doucement le Prince en jetant un coup d’œil en direction d’Aurora.

La jeune femme ne faisait pas attention à la discussion qui avait lieu entre les deux hommes. Son regard était tourné vers la montagne, toute son attention concentrée vers Gonoe et les Justes qui arrivaient.

- Je crois qu’elle a senti la présence de l’Anathème et qu’elle a simplement été influencée par sa proximité, observa Sammakko.
- Si c’est le cas, ça montre seulement qu’elle n’est pas capable de garder ses distances vis à vis d’eux. Ça peut être très dangereux, nota encore Confucius.
- Ça montre aussi que ses visions sont extrêmement précises.

Les deux hommes se turent tandis que Gonoe et les autres arrivaient. Avant même de prendre la mesure de la situation auprès des siens, le Gardien se rendit auprès d’Aurora qui montait déjà à sa rencontre. Sammakko observa sans un mot la proximité que le Gardien avait développée avec la jeune femme. Une proximité mêlée de respect mutuel, de compréhension et surtout de protection. Gonoe n’était pourtant pas réputé pour sa sensibilité, mais Aurora, par sa soif d’apprendre, par son charisme, avait su susciter en lui une affection paternaliste qu’aucun autre ne pouvait se vanter d’avoir soulevé chez ce grand solitaire qu’était le Gardien.
Rapidement, deux groupes se formèrent. Le premier, dirigé par Sammakko et Gonoe, fut chargé de traquer l’Anathème, le second d’escorter les apprentis vers les hauteurs, afin de retrouver les autres. Confucius, en raison de sa blessure, dût abandonner l’idée de traquer son adversaire et s’éloigna, bon gré mal gré, vers les hauteurs. Reconnaissant de voir qu’il n’insistait pas pour les suivre, Sammakko le regarda s’éloigner, protégeant malgré sa blessure les apprentis dont il avait la garde. Les recrues à l’abri, la traque pouvait commencer…

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:30

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Stratégie


À ceux qui ont pris leurs rêves pour seule réalité…



La présence de l’Anathème n’avait pas tardé à être repérée par les Justes. Au demeurant, il n’avait rien fait pour la cacher. Il avait tout fait pour qu’ils sachent où il était et pour qu’ils le suivent. Bien qu’il soit le dernier à traquer la piste des Justes, il risquait le tout pour le tout en attisant leur colère. Blesser l’un des leurs, c’était à la fois s’assurer qu’ils le poursuivraient, mais aussi les affaiblir, ne serait-ce qu’un peu, même si son but initial avait été de tuer.
En s’élançant à travers la montagne, il regretta seulement que celui qu’il avait blessé ne soit pas mort ou n’ait pas pris part à la traque qui était menée contre lui. Il aurait préféré l’achever de ses mains. Aussi la route de l’Anathème traçait-elle une trajectoire écliptique qui le rapprochait ostensiblement du groupe des apprentis et remontait le flanc de la montagne. Les Justes le suivaient à la trace, mais en dépit de leurs efforts, il conservait toujours une distance soigneusement étudiée entre lui et eux. C’était pour lui l’assurance de ne pas être attrapé, pour eux, une course frustrante, épuisante à cause du chemin malaisé qu’il choisissait de suivre consciemment. C’était l’idéal pour les pousser à la faute.
Pourtant, les Justes qui le poursuivaient gardaient un calme relatif qui l’étonnait. Il savait depuis longtemps que la patience était le maître mot de ces guerriers, mais il n’avait jamais eu l’occasion de l’apprécier par lui-même. À ses yeux, cela ne rendait la chasse que plus intéressante encore et c’était bien là ce qu’il voulait : s’amuser aux dépens des Justes. Depuis des années, l’animosité qui était la sienne grandissait. Les Justes avaient détruit tout ce qu’il avait de plus cher, sa façon de vivre, tout. Il leur fera payer, ce n’est qu’une question de temps. Après tout, il n’est pas pressé.
Pourtant, quelque chose le préoccupait. Tandis qu’il gravissait la montagne derrière le groupe de Confucius, il s’interrogea. Il avait bien senti la présence d’une force étrangère. Ce n’était pas tout à fait la force mentale d’un Juste, mais c’était quelque chose ou quelqu’un d’assez puissant pour dévier son attaque en dépit de la distance. Sous ses doigts, la gangue de métal de son arc était encore chaude de la puissance qu’il avait dû utiliser pour donner à son coup une force suffisante pour que la flèche franchisse autant de kilomètres.
Mais le Gardien était encore en vie et quelqu’un ou quelque chose le protégeait. L’Anathème avait ressenti la présence qui avait repoussé son attaque et c’était là sa seule préoccupation actuelle. Quelle que soit cette force, il devait l’identifier et en référer à ses supérieurs. Le moindre avantage possédé par les Justes qui puisse leur permettre une supériorité face aux siens était à proscrire… et donc à détruire.

* * *


Aurora traînait la patte en arrière, jetant parfois un coup d’oeil en contrebas, espérant ainsi reconnaître la cape de Gonoe ou à défaut, celle de Sammakko. Mais les deux hommes et leur groupe avaient disparu sur les traces de l’Anathème. Silenoz et Poukram avançaient un peu au-devant de la jeune femme, calquant visiblement leur progression sur la sienne, par inquiétude ou par curiosité.

- Tu viens ? Finit par demander Poukram, tandis que le groupe prenait à nouveau de la distance.

La jeune femme hocha la tête sans répondre, les yeux perdus sur la neige qui s’étalait sous ses pieds.

- J’arrive, répondit-elle sans reprendre pour autant son ascension.

Un dernier regard en arrière avertit Aurora que Confucius continuait sa progression sans s’être retourné. Il ne se doutait de rien, pas plus que les autres Justes qui les escortaient. Alors, la jeune femme fit demi-tour et s’élança vers le bas de la côte. Ses deux compagnons suivirent malgré eux.

- Qu’est-ce que tu fous ?? Gronda Poukram en courant derrière elle.

Les deux jeunes gens la rattrapèrent à mi-chemin et disparurent avec elle derrière l’arête d’un énorme rocher.

- T’es folle toi ou quoi ? S’esclama Poukram.
- J’ai aperçu quelque chose d’étrange en venant. Vous n’êtes pas obligés de me suivre, répliqua Aurora, le visage concentré, avant de reprendre sa cavalcade en sens inverse.
- Maintenant qu’on est là, nota Silenoz en souriant.

Et le trio dévala la pente sur les traces qu’ils avaient laissées dans la neige. Un peu plus en aval, les empruntes bifurquaient vers l’est et les trois jeunes gens, toujours sous la direction d’Aurora, tournèrent en sens inverse. Ils s’enfoncèrent le long d’un raidillon de pierre que le gel rendait glissant et particulièrement dangereux. Sous leurs pieds s’ouvraient un gouffre de plusieurs centaines de mètres de profondeur. Pourtant, Aurora continuait sa progression et les deux jeunes hommes la suivaient par excès de bravoure et de curiosité.
Enfin, elle franchit le dernier coude de glace, la dernière stalagmite brisée alla s’écraser à quelques dizaines de mètres en dessous d’elle et elle s’engouffra dans une canalisation naturelle que le dégel avait creusée dans la glace. L’eau qui dégouttait au sortir du tunnel était teintée de rouge. Les deux autres virent leur camarade plonger et disparaître sans qu’ils n’aient rien tenté pour la retenir. Puis, il y eut un cri. Là, dans l’ombre de la grotte, Aurora venait d’apercevoir la silhouette surannée d’un Anathème.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 21:31

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Le Fils de l'Ombre


… et ceux qui ont laissé leurs rêves diriger leur vie.



Pour la première fois, Aurora était confrontée à un Anathème. La silhouette de pourpre et d’ombre la dominait de toute sa stature, puissante et majestueuse. Le corps d’un Juste qu’Aurora ne connaissait pas pendait encore entre les griffes de la créature. Les deux flèches argentées qui transperçaient son cœur ne donnaient aucun espoir quant à son état. C’était l’ultime battement de cœur du guerrier que la jeune femme avait ressenti en montant et qu’elle ressentait encore comme une morsure en plein cœur.

- Assassin, cracha-t-elle, partagée entre l’horreur et la colère.

L’Anathème posa sur elle ses yeux incendiés et abandonna lentement le cadavre de sa proie pour faire face à sa prochaine victime, celle qui l’affrontait impunément. Le pouvoir mental de l’Anathème se déploya alors même qu’Aurora, trop fascinée pour réagir, détaillait cet adversaire qu’elle rencontrait pour la première fois.
L’Anathème n’était pas humain, bien qu’il en ait eu presque toutes les apparences. Sa peau livide et bleutée était trop peu naturelle. Sa prunelle était rouge, de la même couleur que le sang dont il se nourrissait. Des griffes noires prolongeaient ses mains fines et nerveuses et des veines de la même couleur courraient sous sa peau, saillant par endroits sur son crâne chauve.
L’esprit de l’Anathème toucha celui d’Aurora avec la force d’un choc électrique et s’imposa violemment dans sa conscience. D’abord, la peur empêcha la jeune femme de s’opposer à l’intrusion. La sensation était telle qu’elle ne pouvait ni la rejeter, ni l’oublier : une à une, les pensées de la créature s’infiltrèrent en elle. Elles étaient si rigoureusement identiques aux siennes qu’Aurora ne savait pas faire la différence. Elle sentait confusément que, devant l’afflux des informations, son esprit allait saturer, mais elle ne pouvait rien faire pour construire les barrières qu’elle avait pourtant su élever face à Sammakko.
Progressivement, elle perdit pied face à la force de l’Anathème comme elle avait perdu pied devant Stormbringer. Pourtant, il n’y avait aucune animosité dans l’épreuve que le Gardien lui avait fait subir. La créature qui l’affrontait ne lui laissait pas cette chance. Le poids de ses pensées était si dominant qu’elle ne savait pas comment se protéger. Elle tenta, mais en vain, de protéger ses pensées derrière la barrière de sa volonté, mais l’Anathème dévoila une à une ses moindres réflexions, découvrant son passé à travers ses souvenirs, sa peur à travers les images qui fusaient sous son crâne et ses pouvoirs à travers son inconscient.
L’Anathème fit sienne chacune de ses pensées, déversant en retour ses propres souvenirs dans l’esprit de la jeune femme. Il assimilait progressivement sa conscience et la similitude entre les deux modes d’existence était si faible qu’Aurora ne parvenait pas à différencier son identité de celle de la créature. Quelque chose se brisa chez la jeune femme lorsqu’elle comprit qu’elle allait se faire engloutir irrémédiablement. Alors, sa lutte devint désespérée et un cri muet monta dans son esprit. Tout ce qui lui restait d’énergie se concentra en un appel foudroyant, qui força les défenses de l’Anathème et porta bien au-delà de la grotte, vers la première personne à laquelle elle songea : Gonoe.
L’appel creva l’air comme un souffle d’énergie, laissant autour d’eux une odeur de souffre et la conscience de la jeune femme cessa de lutter. Pour se protéger, elle plongea dans cette partie d’elle qu’elle ne connaissait pas, cette zone de ténèbres que recèle l’inconscient. Et l’Anathème plongea derrière elle, franchissant les barrières de son esprit désormais sans défense. Aurora se sentit sombrer vers la mort alors même que les renforts arrivaient. La conscience de Gonoe délivra son esprit ankylosé comme l’eau délivre le désert.
Il entoura, encadra sa protégée et repoussa sans douceur l’Anathème qui s’imposait. Un combat sans merci opposa l’intrus et le Gardien, l’un luttant pour ne pas lâcher prise au cœur de l’esprit fragilisé d’Aurora, l’autre pour chasser à tout prix cette présence destructrice et rendre son intégrité à la jeune femme. Enfin, l’Anathème abandonna la partie, assez rapidement pour ne pas permettre à Gonoe d’inverser la tendance pour partir à la conquête de son esprit. Le Gardien arriva à la grotte en même temps que Sammakko et les autres.
Poukram et Silenoz furent repoussés sans ménagement par le Prince d’Éternité. Il semblait préoccupé, inquiet. Gonoe s’efforçait de ramener Aurora à la vie, mais sa conscience, brisée, gisait au fond d’elle. Les deux hommes échangèrent un regard soucieux et Sammakko se pencha sur la jeune femme. Son esprit vola à la rencontre du sien, mais se heurta seulement à la terreur et les ténèbres dont elle s’était entourée.

- J’ai besoin de t’atteindre Aurora. Pourquoi ne pas être venu me chercher ? Demanda-t-il mentalement.
- Parce que ce n’est pas ton rôle, répondit-elle depuis l’ombre où elle se terrait. Je ne voulais pas mêler les Princes à ça, je ne voulais pas risquer votre vie à vous.
- Je me doute, mais c’est mon rôle. Essaye d’oublier, nous allons t’aider à t’en sortir. Fais toi violence, brise mes propres barrières s’il le faut, mais ressaisis toi et reviens.
- Briser tes barrières ? S’étonna Aurora.
- Ça ou autre chose, mais tu dois t’endurcir. Tu dois lutter pour t'en sortir.
- Je suis trop faible, répliqua la jeune femme, amère. Il m’a détruite.
- Un conseil : sois dure, ici plus qu’ailleurs, en toi, tu en auras besoin.
- Tu ne l’es pas toi, releva-t-elle soudain, en contemplant sa bienveillance.

Progressivement, la jeune femme reprenait confiance et son esprit quittait les ténèbres. Aidée par Sammakko, elle retrouvait l’essentiel de ses pensées. Avec un certain étonnement, elle découvrait sa douceur, son écoute et se laissait bercer par la voix qui la guidait. Le Prince d’Éternité était tout, sauf dur vis-à-vis d’elle. Sa patience l’attirait lentement vers la lumière.

- J’étais comme toi avant, ça m’a joué des tours, répondit-il patiemment. Je suis vraiment détestable en général, mais je sais faire preuve d’écoute quand la situation l’exige, ce qui est le cas à présent.
- Pour la plupart des apprentis que je connais, tu n’es pas si ignoble que tu le dis. Tu es le seul Prince qui soit disponible et proche de nous. Le seul...
- Oui, mais je suis aussi le plus méchant et comme moi, tu dois te forger une armure. Être plus dure, avec les autres, mais aussi avec toi. Fais toi violence et commence à travailler pour ne plus que ça arrive, conclut-il doucement en quittant les abords de son esprit.

Lorsqu’Aurora ouvrit les yeux, Sammakko était toujours auprès d’elle. Son regard d’or brillait dans la pénombre. Celui de Gonoe portait toujours la marque de l’inquiétude. Le Gardien l’aida à se relever. Encore sous le choc, la jeune femme jeta un coup d'œil vers le corps du Juste qui avait été assassiné. Deux hommes étaient penchés autour de lui.

- Il est vraiment mort ? Demanda Aurora.
- Oui, répondit Gonoe sans un trémolo dans la voix.
- Et l’Anathème ?
- Il s’est enfuit.
- On a préféré rester auprès de toi, ajouta Sammakko.

Au sourire du Prince, Aurora comprit la boutade et sourit à son tour. Il savait lui remonter le moral et elle s’étonnait encore de la facilité avec laquelle il l’avait tirée des ténèbres dans lesquelles elle avait plongé. Même si elle n’avait pas encore complètement retrouvé ses facultés, elle se sentait bien plus à l’aise. Assez du moins pour lui permettre de reprendre la route derrière Sammakko qui l'attendait déjà.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 16 Juil 2010 - 20:51

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Colère du Gardien


À Totote, qui se reconnaîtra peut-être à travers ces mots et à tous les OPs que j’écris !



Soigneusement encadrée par Gonoe et Sammakko, Aurora sortit de la grotte. Calquant leur rythme sur le sien, les deux hommes l’aidèrent à quitter le raidillon. Deux autres Justes guidèrent Poukram et Silenoz vers la sortie. Un silence morne était tombé sur le groupe. Ils avaient perdu un des leurs pour la première fois depuis longtemps. Si les apprentis n’avaient pas encore conscience de l’importance que cette mort avait sur le groupe, ils le comprirent lorsque l’on remonta le corps à la surface et que les visages graves portèrent la marque de la colère et du chagrin.
Poukram tenta d’interroger Gonoe, mais le Gardien était d’humeur morose, tant à cause de l’inquiétude qui avait envers Aurora que parce que la situation le préoccupait. L’apprenti se le tint pour dit, sans comprendre cependant le revers qu’il essuyait. Quant au Gardien, il se rendit auprès de sa protégée qui s’était sciemment isolée du groupe avec Sammakko. Le Prince choisit de se retirer, laissant les deux alliés seuls pour poursuivre la route avec les autres. Sentant que son mentor était tendu, Aurora attendit qu’il prit la parole le premier.

- Poukram, il est mieux de garder ses distances et d’éviter de chercher à tout prix les relations de copinage avec moi, gronda-t-il finalement.
- Qu’est-ce qu’il a fait le pauvre ? Demanda doucement la jeune femme.

Depuis qu’elle connaissait Gonoe, elle avait appris à lire en lui. Le Gardien avait une réputation inégalée à travers l’équipe des Justes. Sévère, souvent grincheux, on disait qu’il était un ogre dévoreur d’apprentis, parce que sous sa coupe, peu de recrues achevaient l’initiation et parvenaient à devenir des Justes. Mais elle savait que derrière cet air revêche, il y avait un cœur en or. Aussi solitaire qu’un vieux loup, aussi grognon qu’un ours, Gonoe était aussi un fidèle protecteur et un guide hors pair. Elle l’appréciait pour sa rigueur, pour ses valeurs et sa détermination sans faille.
Poukram, comme bien des autres, s’était fait repousser par ce bouclier bardé de piquant. Gonoe tenait à distance quiconque aurait voulu approcher et Aurora savait que ceux qui tentaient l’approche devaient le faire prudemment.

- Rien, admit le Gardien. Il pose un peu trop de questions sur le passé des Justes comme si j’étais son mentor et ce n’est pas le cas.
- Moi aussi, je t’en pose des questions sur le passé, souligna Aurora.

Le Gardien l’observa, un peu surpris par la pertinence de la remarque. Spontanément, il rétorqua :

- Oui, mais toi, ce n’est pas pareil.
- Pourquoi tu n’es pas Mentor ? Tu aurais été excellent.
- Je l’ai été, mais j’ai arrêté. Enseigner, ce n’est pas pour moi.
- Tu m’enseignes plein de choses pourtant.
- Avec une seule personne oui, ça va, avec plusieurs j’en suis incapable. Je manque de patience.

Aurora se contenta de sourire et si Gonoe aperçut ce sourire, il ne dit rien. Il se contenta de l’un de ces silences pensifs qu’ils partageaient parfois, chacun plongé dans ses pensées et laissant l’autre aux siennes avec ce respect mutuel qui était le leur.

* * *


Ils marchèrent encore une bonne heure avant de rattraper le groupe de tête. Mikyle et Chermak, les deux autres Princes d’Éternité, étaient descendus à leur rencontre, accompagnés de quelques Justes qui avaient ressenti la fluctuation dans le champ du Pouvoir Mental et avaient cédé à l’inquiétude. Aurora et Poukram furent étonnés de voir descendre jusqu’à eux Jing et Krilo, les deux Justes qui avaient voyagé avec eux depuis Sérivun.
Potenza devança tous les autres pour rejoindre son apprentie. Gonoe et lui se saluèrent tout en gardant soigneusement leurs distances, ce qui éveilla la curiosité d’Aurora.

- Tu vas bien ? l’interrogea son Mentor.
- Oui, Gonoe a pris soin de moi, répondit-elle.
- Il sait qu’il a intérêt, répliqua le Juste avec un sourire ironique.

Les deux hommes se jaugèrent par-dessus l’épaule d’Aurora. Des éclairs semblèrent sur le point de crépiter dans l’espace qui les séparait.

- Tu viens Aurora ? Je t’attendais, déclara Potenza sans cesser de fixer Gonoe.

Interloquée, la jeune femme hocha seulement la tête et suivit son Mentor. Elle eut un petit sourire d’excuse envers Gonoe et remonta vers le reste du groupe. Au passage, ils passèrent devant le groupe des Princes d’Éternité qui discutaient avec Confucius.

- C’était le dernier groupe ? demandait Mikyle.
- Oui, je vais faire le bilan, répondit Confucius.
- Tu es sûr que tu es en état de le faire ? Interrogea Sammakko, anxieux.
- Oui, ça ira.

Le reste se perdit derrière Aurora. Préoccupée, elle observa son Mentor et hésita un long moment avant de l’interroger :

- Qu’est-ce qu’il y a entre toi et Gonoe ?
- Rien pourquoi ?
- Pour savoir, vous me paraissez distants tous les deux.
- Oh non, du tout, répondit le Juste avec un sourire qui se voulait rassurant. On se connaît depuis longtemps. Aller, oublie ça, Confucius va faire son bilan.

En effet, le Gardien et Mentor s’était perché sur une aspérité de roches et réclamait le silence d’un geste emprunt de sagesse.

- Et bien nous voici arrivés à la moitié du parcours qui nous mènera au port, mais aussi à la moitié de l’initiation. À ce stade, je dois faire un bilan. Les résultats de certains sont moyens, pour ne pas dire minables ! Il semble que l’initiation ne soit pas prise au sérieux comme elle devrait l’être. Certaines choses vous étaient déjà connues, il est vrai, et leur apprentissage a pu vous sembler « simple », mais si vous avez pensé que ça serait toujours ainsi, rentrez chez vous.

Un mélange de colère et de honte s’abattit sur les rangs.

- Oui on vous demande d’obéir, d’avoir foi, on vous demande un investissement de chaque instant et les règles ancestrales doivent être apprises par cœur. Lors de la cérémonie d’initiation, vous avez tous dit être motivés, il est temps de le montrer. Bientôt, la plupart d’entre vous seront envoyés vers vos villes respectives, croyez-vous donc que l’on va confier le sort de ces villes à des moins que rien qui n’auront aucune envie de respecter le conditionnement moral qui vous permettra d’apprendre les bases du métier ? Sachez que votre statut d’apprenti n’est ni un dû, ni un acquis. La cérémonie d’initiation ne vous assure pas une place parmi nos rangs et les Mentors ne donnent pas de leur temps pour vous voir le gâcher.

La puissance des mots laissa le silence plané un moment sur le groupe. Aurora comprenait le rôle des Mentor et le temps qu’ils devaient consacrer à la tâche.

- Bien sûr, certains ont la foi et leur conditionnement se passe bien et je les en félicite, mais prenez garde. Aujourd’hui, l’un des nôtres est mort. Les Anathèmes rodent et ne laisseront pas la moindre chance à ceux qui ne font pas d’efforts pour devenir plus puissants. Pour aujourd’hui, nous n’irons pas plus loin, nous allons organiser les funérailles. Mais dès demain, ceux qui ont fait moins de progrès que les autres reprendront certaines bases avec leur Mentor.

Aurora fronça les sourcils. Autour d’elle, des murmures s’élevaient et les apprentis se jaugeaient, les uns se sentant coupables, les autres cherchant les responsables de ce sermon. On observait Silenoz, Poukram et Aurora un peu trop souvent, avant tout parce que le bruit de leur escapade courrait déjà. On murmurait à voix basse, mais la jeune femme n’eut pas le temps de s’interroger sur ce qui se disait. Mikyle et Gonoe venaient de la rejoindre.

- Félicitations Aurora, déclara le Prince d’Éternité.
- Qu’ai-je donc fait pour mériter ces félicitations ? Interrogea la jeune femme en saluant le Prince.
- Tu as été la meilleure apprentie jusqu’ici.

Suelques visages se retournèrent avec curiosité. Comment en aurait-il été autrement, alors que tous avaient pu entendre. Abasourdie, la jeune femme ne sut que répondre. Comprit-il sa gêne ? Sans doute, car il la salua d’un signe de tête et entraîna Potenza à l’écart, lui permettant ainsi de rester seule avec Gonoe.

- J’aimerais te parler, Aurora, déclara le Gardien.
- J’ai fait quelque chose de mal ? Interrogea-t-elle, inquiétée par son air sérieux.
- Non, sourit-il. J’aimerais savoir si tu accepterais de travailler avec moi. Si oui, je pourrais demander à ce que tu sois envoyée à Andhera, sur laquelle je veille.

La jeune femme eut un sourire rayonnant. La proposition était la plus belle qu’il puisse lui faire. Bien sûr, elle souhaitait travailler avec lui. Elle aimait apprendre auprès de lui et aurait tout donné pour poursuivre leurs échanges au-delà de l’initiation.

- Tu n’es pas obligée d’accepter, fit Gonoe en se méprenant sur son silence.
- Bien sûr que si, j’accepte ! Répliqua la jeune femme. J’aimerais tellement !

St dans un élan spontané, elle lui sauta au cou.

- Merci ! Murmura-t-elle.

Avant que le Gardien, abasourdi, n’ait eu le temps de réagir, elle s’enfuyait déjà vers les autres apprentis, retrouvant Silenoz et Poukram avec sa sincérité habituelle. Et derrière elle, Gonoe sourit.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 16 Juil 2010 - 20:52

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
JUSTE PARMI LES JUSTES




Au 63 qui me manque.


Assise en milieu du groupe, Aurora grignotait sans y penser le repas qu’elle partageait avec les autres apprentis. Elle observait les Mentors qui s’étaient réunis un peu plus loin. Certains semblaient fatigués, autant par le voyage qui était plus long que prévu pour tous, que par l’initiation en cours. Depuis quelques jours, elle était difficile. Les apprentis avaient de moins en moins la foi et les Mentors tentaient, mais en vain, de continuer à leur enseigner les règles ancestrales.
Depuis la mort du Juste, Aurora passait le plus clair de son temps auprès de Sammakko et des Mentors et des Gardiens. Elle les entendait souvent commenter les progrès trop lents des apprentis. En plus des groupes quotidiens d’initiation, ils avaient organisé des rattrapages individuels. Mais cette perte de temps drainait leur énergie et ralentissait encore le voyage.

- Tu penses à quoi Aurora ?, interrogea Poukram.
- Je crois que les Mentors sont fatigués.
- Bah c’est leur rôle, répliqua un apprenti.
- C’est le nôtre de tout faire pour réussir le conditionnement mental, répondit Silenoz avec une certaine froideur.

Les protestations fusèrent autour d’eux. Aurora fronça les sourcils en observant le groupe des Mentors. Une idée mûrissait dans son esprit.

- Et toi Aurora ? Tu ne veux toujours pas nous dire comment tu as repoussé l’Anathème ? demanda un autre apprenti.
- Toujours pas, sourit-elle.Mais je pense que si quelqu’un a encore des difficultés après les rattrapages, ça serait bien qu’on s’entraide. On est tous dans la même galère et on a tous les mêmes choses à apprendre. Certains y arrivent avec plus de facilités que d'autres et autant qu'on mette nos efforts en commun et que les plus doués aident ceux qui s’en sortent moins bien.
- C’est une bonne idée et un bon investissement de ta part, approuva Poukram.
- J’apporterai mon soutien au besoin, acquiesça un apprenti.
- Oui, belle initiative, ajouta un autre.
- On doit avoir le réflexe de s’aider quand on a des difficultés. On ne peut pas tout maîtriser, même si ça serait l’idéal, mais nous devons faire de notre mieux.

Un engouement certain animait désormais le groupe. Surpris par le brouhaha qui agitait les apprentis, les Mentors s’étaient tus et observaient les rangs des recrues avec un intérêt renouvelé. Aurora sourit.

- Je pense qu'il faut que chacun ait et garde à l'esprit le sérieux de cette initiation. Être Juste, ça demande beaucoup de responsabilités. On a la chance d'arriver à une période où nous avons des « aînés » pour nous enseigner ce qu'ils savent et comment fonctionner. Tous les Justes n'ont pas eu la chance d'être dorlotés et préparés comme nous le sommes. Travailler avec sérieux, c’est remercier ceux qui passent leur temps à nous aider. N’oubliez pas que bientôt, le voyage prendra fin et on devra partir vers nos villes respectives. Êtes-vous prêts à ça ? Moi non.
- Moi non plus, avoua quelqu’un.
- Alors je vais voir les Mentors pour qu’ils nous encadrent et on va commencer.

Et Aurora alla à la rencontre de Confucius. Elle lui expliqua la situation et obtint son approbation, puis revint vers les autres. Une dizaine d’apprentis se réunirent autour d’elle et ensemble, ils recommencèrent les exercices cent fois revus avec les Mentors. Lentement, les Mentors les entourèrent, recadrèrent Aurora lorsqu’elle ne savait pas répondre. Naturellement, les autres lui laissèrent la direction du groupe et se tournèrent vers elle pour lui exposer leurs difficultés. Les heures s’écoulèrent, le groupe ne reprit pas la route tant qu’Aurora enseigna. Sammakko intervint parfois pour leur permettre de prendre une pause.
Enfin, les apprentis fatigués renoncèrent et choisirent le repos, Aurora étant épuisée. Dès que le groupe se dispersa, Confucius rejoint la jeune femme et la remercia.

- Toutes mes félicitations, madame la Mentor. Quand tu enseignes, tu ne le fais pas à moitié, sourit-il.
- Je l’ai fait avec plaisir, répondit-elle.
- Et bien un jour, on te demandera d’être Mentor.
- Laisse moi le temps de devenir Juste au moins !
- Tu iras loin, je ne m’en fais pas pour toi.
- Ça n’aurait pas dû se passer comme ça, intervint Potenza.

Interdite, Aurora ne réagit pas. Son Mentor avait l’air furieux.

- Ce n’est pas à Aurora de faire notre travail !
- Je l’ai fait par plaisir, protesta la jeune femme.
- Oui, nous le savons, Aurora… Va rejoindre les tiens, nous allons en parler entre nous, répliqua calmement Confucius.

Aurora hésita quelques secondes, mais elle lut dans le regard du sage qu’elle devait partir et les laisser. Alors, elle s’éloigna et rejoignit Gonoe. En quelques mots, elle lui expliqua la situation, trop fatiguée et boudeuse pour la garder.

- Ne t’inquiète pas. Certains Mentors voient d’un mauvais œil que tu fasses ce qu’ils n’ont pas fait.
- Je n’ai pas fait exprès. Ça c’est fait naturellement. Les autres apprentis viennent souvent me voir, alors…
- Je sais, tu as un certain charisme sur les autres. Mais laisse le temps aux Mentors d’apprécier ton travail.

La jeune femme hocha la tête et le Gardien posa sa main sur son épaule. Grave, il annonça :

- Sammakko veut te voir Aurora. Tu devrais y aller tout de suite.

Inquiète, elle observa le Gardien. Mais il n’ajouta rien et son regard inexpressif ne traduisait rien. Qu’avait-elle fait pour que le Prince la fasse demander ? Avait-elle si mal fait d’aider les autres ? Risquait-elle sa place ? Rien n’était acquis, elle le savait… pour les autres, mais aussi pour elle. Elle n’était pas différente.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 16 Juil 2010 - 20:54

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Terre des Hommes *


À Sionabel, pour les miracles et les légendes.



Toujours inquiète, Aurora rejoignit Sammakko. Elle sentait le pouvoir mental de Gonoe qui l’entourait, cherchant à apaiser ses doutes et ses craintes, mais rien n’y faisait. Elle avait que le Gardien savait pourquoi le Prince voulait la voir, mais son silence l’inquiétait plus qu’une réponse. Sammakko s’était isolé du groupe pour l’attendre. Dès qu’elle approcha, elle sentit sa présence mentale en bordure de son esprit. Immédiatement, elle se ferma, comme s’il avait été un ennemi.

- Bien, tu as bien appris ta leçon, apprécia-t-il en hochant la tête.
- Tu voulais me voir ? demanda-t-elle.
- Oui, nous arriverons demain matin aux quais d’Amenos. Tu sais ce que ça veut dire ?
- Que nous allons partir chacun vers nos villes respectives, répondit Aurora sans enthousiasme.

Un instant, Sammakko l’observa en silence, cherchant à comprendre l’expression qui se peignait sur le visage de la jeune femme. Là où d’autres manifestaient leur impatience après un voyage long et périlleux, elle rechignait à retourner vers la terre des hommes.

- Et tu ne veux pas ? instigua-t-il.
- Si, bien sûr. Même si ça veut dire que je vous perdrai de vue.

Enfin, le Prince comprit. C’était donc là la crainte qu’elle avait, celle de se retrouver seule.

- Je t’ai choisi une ville où tu auras assez de travail pour ne pas t’ennuyer, déclara-t-il.
- Laquelle ? interrogea Aurora, anxieuse à l’idée de ne pouvoir travailler avec Gonoe.
- Andhera, sous la juridiction de Gonoe Magma.

Le soulagement illumina le visage de la jeune femme. Elle ne serait donc pas séparée de Gonoe, seule cette certitude apaisait son cœur et lui redonnait la sérénité la plus totale.

- Nous arriverons demain matin à Admeos, va te préparer, nous voyageons de nuit, lui indiqua le Prince.

Aurora lui adressa un sourire de remerciement et regagna le campement. De nombreux apprentis rangeaient le camp, ne laissant rien sur place. Leur fuite ne leur avait pas permis d’emporter beaucoup de matériel. Ils ne possédaient que ce que contenaient les bagages des apprentis et quelques menues bricoles que les Justes avaient pu emporter, de sorte que les préparatifs furent rapidement exécutés.
Gonoe et Aurora se retrouvèrent après le maigre repas qui réunit tout le groupe. Les trios formés autour des Mentors avaient explosé et désormais, c’était les Gardiens qui veillaient sur les apprentis. Quatre d’entre eux, dont Poukram, avaient rejoint la protection de Gonoe. Après une brève présentation, le Gardien ordonna le départ. Aurora à ses côtés, il se mit en marche.

- Je suis contente d’avoir obtenu la garde d’Andhera, déclara-t-elle.
- Moi aussi, mais tu es bien difficile à rassurer toi, tu sais ? rétorqua le Gardien.

La jeune femme ne répondit pas, mais sourit dans la pénombre du crépuscule. Là-bas, à quelques kilomètres, le phare d’Amenos jetait sur la nuit et la mer la lumière blafarde de son œil unique.

* * *


Andhera n’est plus sûre, c’était ce que se répétait constamment Lord Kael depuis quelques semaines. De plus en plus d’hommes et de femmes disparaissaient chaque jour, victimes des agissements des Anathèmes. L’absence de tout Juste dans la ville depuis plusieurs semaines donnait des ailes aux moins audacieux d’entre eux. Les crimes, les pillages et les destructions gratuites s’enchaînaient donc à un tel rythme qu’il semblait impossible de l’enrailler.
Comme de nombreux citoyens que la folie générale n’avait pas encore atteints, Lord Kael allait souvent s’asseoir au sommet des remparts, guettant en vain le moindre nuage de poussière à l’horizon. Ils attendaient le retour d’un Juste. Le bruit courrait que les navires d’Astrée avaient été aperçus au large des côtes. Normalement, un apprenti serait nommé et devrait arrivé tôt ou tard, mais l’attente semblait interminable.
Perdu dans ses pensées, Lord Kael contemplait le soleil couchant à l’horizon. Derrière lui, il le savait, la ville allait de perdition en perdition. La colère grondait en lui. Il était né à Andhera et ne pouvait concevoir que la cité court ainsi à sa perte. L’intervention d’un Juste était plus que nécessaire. Il n’entendit pas l’être s’approcher de lui. Comment l’aurait-il pu d’ailleurs ? C’était à peine si l’Anathème posait le pied au sol tant il semblait planer.
La seule chose qui l’alerta fut le sifflement de l’air lorsque le sabre s’abattit dans son dos. D’un bond, Lord Kael se jeta hors de portée de l’arme et dégaina la dague qu’il portait au côté. Mais en reculant, il butta contre une pierre descellée et heurta violemment la pierre froide d’une meurtrière. L’Anathème bondit vers lui. Pas assez rapidement toutefois. Le guerrier avait déjà assuré sa stabilité et la dague repoussa sans effort la lame froide du sabre. Toute la colère de Lord Kael jaillit au cœur de ce combat. Tout cela avait assez duré, la suprématie des Anathèmes, les meurtres perpétrés devaient cesser. Jamais plus les Anathèmes ne pilleraient sans vergogne les terres des honnêtes gens.
Alors Lord Kael donna tout ce qu’il avait. Il savait qu’il ne pouvait tuer la créature, mais il la repoussa, centimètre après centimètre, jusqu’au bord du gouffre, jusqu’à ce qu’à son tour, l’Anathème se trouve acculé contre la meurtrière. Alors Lord Kael abattit une dernière fois sa dague et pesant de tout son poids sur la garde, il eut raison de son adversaire. Vaincu, l’Anathème bascula par-dessus les remparts et alla atterrir trente mètres plus bas, sur les roches des fondations.
Lord Kael jeta un dernier regard vers son ennemi. Celui-ci poussa un hurlement à déchirer les tympans et leva vers le guerrier un poing vengeur.

- C’est ça, cause toujours, marmonna Lors Kael. Puis, il lança à l’intention de deux soldats qui accouraient, alertés sans doute par les bruits du combat : Faîtes fermer les portes. Il y a un Anathème de moins dans la ville.

Le guerrier savait que ce n’était que provisoire. L’Anathème finirait par entrer à nouveau. Pourtant, il avait de l’espoir. À l’horizon, un nuage de poussière venait d’apparaître. Les renforts arrivaient.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 16 Juil 2010 - 20:54

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Ténébreuse *


À B3nito, tout mon soutien pour ton talent remarquable. Et un pavey pour Makkura !



La traversée dura trois jours et trois nuits. Au matin du quatrième jour, les vaisseaux s’amarrèrent le long de la côte et le groupe de Gonoe descendit. Potenza salua une dernière fois Aurora, mais elle lui répondit presque sans émotion :

- Il sait qu’il a intérêt à prendre soin de toi, déclara-t-il en désignant le Gardien du menton. Si tu veux, je viendrais voir comment ça se passe dans quelques jours.

Aurora jeta un coup d’œil en direction de Gonoe. Elle savait d’avance la réaction du Gardien, si Potenza s’avisait de mettre le nez dans son travail. Alors elle sourit et déclina l’offre.

- Ne t’inquiète pas, je me débrouillerai. Tu ne seras pas toujours là.
- Non, mais tu peux avoir besoin de moi. On ne sait jamais.
- Ça ira, répéta-t-elle.

Le Mentor hocha la tête et salua son apprentie avant de remonter à bord du bateau.

- Sois prudente, lança-t-il depuis le pont.

Les trois navires rompirent leurs amarres et prirent le large. Ils iraient accoster un peu plus loin sur les côtes pour permettre aux six autres groupes de rejoindre leurs villes respectives. Gonoe entraîna sans attendre ses apprentis au cœur de la cité dans laquelle ils étaient descendus. Urvakan était bien plus imposante que Serivun et certains découvraient pour la première fois les bâtiments lourds et imposants d’une autre ville.
Aurora n’avait jamais eu l’occasion de visiter l’une des huit villes côtières. Un aqueduc à trois niveaux enjambait l’embouchure d’un fleuve, l’une des arches, creusée à même la falaise, donnait accès à la cité, abritée des intempéries par le rempart naturel d’une crique. Une fois à l’intérieur de la ville, Aurora, le nez en l’air, détailla en silence les architectures centenaires et complexes.
À la première auberge qu’ils croisèrent, Gonoe réclama des chevaux et un nouveau voyage commença, vers Qara d’abord, ville dans laquelle s’installa au deuxième jour passé sur la terre des hommes. Puis enfin, Andhera se profila à l’horizon au matin du troisième jour. Les hauts remparts se dessinèrent devant eux, les tourelles noires pointaient vers le ciel, déjà menaçantes malgré la distance.
Devant le Gardien et les apprentis, les portes de la ville s’ouvrirent toutes grandes. Une foule, massive et compacte, s’était réunie derrière elles. Sur le passage des Justes, les habitants se taisaient. Un murmure indistinct se faisait entendre, mais aucun cri ne s’élevait, aucune acclamation, aucun signe de bienvenue. Aurora passait en tête, aux côtés de Gonoe, observant les rangs muets d’un œil circonspect. Plus elle avançait, plus elle se rendait compte de ce que ce silence pesant portait d’hostilité.
Quelqu’un bouscula les rangs et jaillit au-devant des chevaux. L’étalon d’Aurora se cabra devant l’inopportun. La lame d’un couteau scintilla à quelques centimètres du poitrail de la bête. Tout se déroula en une fraction de seconde. La main sûre de Gonoe s’empara des rênes de l’animal et le tira en arrière. Du plat de l’autre main, il frappa l’agresseur à la tempe. Celui-ci recula en vacillant vers la foule qui se referma autour de lui, protectrice et menaçante.
Le Gardien entraîna son groupe au galop, fendant les rangs sans se soucier de ceux qui lui barraient la route. Ils galopèrent jusqu’à la cour du château. Gonoe mit pied-à-terre le premier et pénétra dans le bâtiment, laissant là ses apprentis. Le désarroi d’Aurora était grand. Elle ne savait que penser de cette première expérience. Les jeunes recrues s’assirent, qui sur les marches du parvis, qui contre une fontaine qui ornait le centre de la cour.
Les heures s’écoulèrent dans le silence le plus complet. Personne n’osait parler, car personne ne comprenait réellement ce qui venait de se produire. Finalement, Aurora se décida à rejoindre le Gardien. Debout dans la salle principale, il tournait en rond comme un lion en cage. Son visage était fermé sous l’effet de la colère et Aurora comprit sans avoir besoin de mots que l’événement de la matinée avait ébranlé son nouveau maître plus qu’elle ne l’avait été.

- Dans un sens, je regrette de n’avoir pu te permettre de trouver refuge ailleurs qu’à Andhera, gronda-t-il lorsqu’il la vit.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est la pire ville que je connaisse. Elle est corrompue, déchirée par les crimes, les mensonges et la traîtrise. Ils m’ont déjà fait fuir un Juste, s’ils te font douter ou s’ils te poussent à renier ta foi, je te jure que je mets cette cité à feu et à sang !

Aurora ne répondit pas, mais en elle, l’idée faisait lentement son chemin. Elle comprenait la colère de Gonoe. S’accoudant à une fenêtre, elle jeta un coup d’œil sur la ville. Pour la première fois, elle découvrait l’ensemble d’Andhera, dite la Ténébreuse. Cette cité était donc si mauvaise ? Elle jura alors de tout faire pour lutter contre elle, pour lui rendre sa gloire et permettre au Gardien de ne plus avoir à s’en plaindre. Pour la première fois, la détermination d’Aurora lui donna l’assurance dont elle manquait. Son travail venait de commencer.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 16 Juil 2010 - 20:55

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Lumière sur les Ténèbres *


À Patou, dans le silence des mots que tu ne dis pas…



Les premiers jours d’Aurora à Andhera furent les plus difficiles. D’abord inquiétée par l’hostilité des citadins à son égard, elle se montra déterminée à la vaincre. La première chose qu’elle fit, dès que Gonoe et les autres eurent repris la route, fut de descendre sur la place du marché, seule. Pour la première fois, elle portait la cape blanche des Justes et pour la première fois, les hommes et les femmes se tournaient vers elle avec un mélange de crainte et de respect qu’elle ne comprenait pas encore.
Faisant fi du danger qu’elle pouvait courir à trop s’exposer, elle monta sur une petite estrade qu’avait montée une troupe de théâtre et se dressa autour de la foule matinale qui tournait autour des étals. Des regards dénués d’expression se levèrent vers elle. Elle ne sut dire s’ils étaient curieux ou malfaisants et malgré sa nervosité, elle prit la parole pour se présenter. Puis elle annonça :

- Vous le savez tous, Andhera a été longtemps sans la protection d’un Juste. Je suis arrivée tout récemment et je ferai mon possible pour rendre cette ville plus agréable à vivre. Malgré la malédiction des Anathèmes et leur domination sur le monde, nous avons tout intérêt à nous battre les uns avec les autres plutôt que les uns contre les autres.

Une voix dans la foule s’éleva :

- Les Justes n’ont rien à faire ici !

Aurora ne répondit pas immédiatement, observant les réactions de la foule. Elle était jeune, encore fragile devant tous ces êtres qui l’observaient. Peut-être le sentirent-ils, car des murmures s’élevaient, les gens hésitaient.

- D’un autre côté, si on nous envoie un Juste qui est réellement capable de s’impliquer à nos côtés, pourquoi le refuser ? interrogea la voix de Lord Kael par dessus le brouhaha qui se faisait entendre.
- C’est vrai, sois la bienvenue ! approuva quelqu’un
- Ce n’est pas tous les jours que les Justes quittent la Tour d’Ambre pour se présenter à nous, ajouta un autre. Je lui souhaite bien du courage moi !
- Si tu restes toujours aussi souriante, on va s’entendre, ça passe mieux avec le sourire, lança un bourgeois rondouillet à la mine sympathique.

La foule approuvait déjà la jeunesse et la simplicité d’Aurora. Répondant aux uns et aux autres avec toujours la même spontanéité, elle se borna à écouter ceux qui parlaient déjà de corruption et réclamaient son intervention pour telle ou telle affaire de pillage ou de meurtre. L’hostilité première avait disparu au profit d’une soif de partage. Elle manifestait une telle envie de connaître l’histoire de la citadelle qu’on se fit un plaisir de le lui enseigner. À l’inverse, les citadins se montraient curieux de découvrir qui elle était.
Au fil des jours, elle passa peu de temps dans la Tour d’Ambre qu’était le château et se montra très présente dans les rues de la cité. Les uns se montraient reconnaissants, les autres un peu moins, car son arrivée signifiait également un replis des forces obscures. Si elle sentait la présence des Anathèmes au cœur d’Andhera, elle ne les rencontra pas. Ils demeuraient cachés, attendant une faiblesse de sa part.
Après plusieurs jours, Gonoe revint enfin à Andhera. Il lui apprit à utiliser ses pouvoirs, non pas pour traquer les Anathèmes, mais pour capturer ceux et celles qui avaient été possédés par leur pouvoir. Dans un premier temps, elle ne put résoudre que des cas de pillage sans conséquences réelles. Les voleurs étaient expédiés aux Enfers pour y purger leur peine.
Puis, il y eut un assassinat dont la violence secoua la ville tout entière. Lord Kael, le premier, s’insurgea. Déjà lassé par les précédents pillages et soulagé par l’intervention rapide d’Aurora, il la prévint immédiatement. La jeune femme nota mentalement l’implication de son allié et remarqua également que les personnes qui venaient la voir pour l’aider étaient de plus en plus nombreuses. Son influence sur la Cité se faisait sentir.
Elle n’eut aucun mal à capturer les deux criminels, au détour d’une ruelle obscure. Ils n’avaient aucune solution de replis et se laissèrent piéger comme s’ils étaient sûrs de s’en tirer. Le premier, grand et noble, avait le regard fourbe. Le second, beaucoup plus jeune, était nerveux. La vue d’Aurora le fit hésiter. Le manteau blanc et cyan de la jeune femme la rendait parfaitement visible dans la pénombre de la ruelle.
Comme à l’accoutumée, Aurora utilisa ses pouvoirs pour ouvrir le portail des Enfers. Elle connaissait le sort par cœur à présent. La surface d’ambre éclaboussa la nuit, éclairant le visage blafard et malhonnête des deux hommes.

- Nous n’avons rien fait qui ne mérite que vous ne donniez votre énergie aux Enfers, annonça le plus grand des deux, sans se départir de son calme.
- Ça, c’est à moi d’en décider, répliqua Aurora, sur la défensive.
- Vous n’avez aucun droit, aucune preuve. Andhera n’est pas vôtre.
- Andhera n’est à personne, gronda la voix de Gonoe derrière la jeune femme.

Soulagée par l’arrivée de son Gardien, Aurora acheva l’ouverture du vortex. Unissant ses pouvoirs à ceux de Gonoe, elle envahit l’esprit des deux hommes et les attira vers le portail. Quelques instants plus tard, tout était fini. Les deux malfrats avaient disparu.

- Ces deux là ne sont pas prêts de voir la lumière du jour, conclut le Gardien avec satisfaction.

Mais Aurora avait été ébranlée par les premiers mots de l’homme. « Nous n’avons rien fait ». Se pouvait-il qu’elle se soit trompée pour son premier meurtre ? Elle avait expédié ces hommes en enfer… définitivement. Ils allaient mourir là-bas. Pour la première fois, elle avait tué. Un pincement au cœur retint sa main tandis qu’elle s’apprêtait à clore le vortex.

- Viens, Sammakko et Mikyle viennent d’arriver à Andhera avec quelques Justes. Ils voudront sûrement te voir, annonça Gonoe, sentant son désarroi.
- Sammakko ? Ici, à Andhera ?
- Ça n’a rien d’étonnant quand on sait qu’il t’apprécie, répondit le Gardien avec un sourire. On lui parlera de tes premiers vortex si tu veux. Il approuvera.

Aurora soupira et referma le portail. Oui, elle avait besoin d’avoir l’approbation d’un Prince d’Éternité. Elle craignait que son Gardien ne se trompe. Elle craignait de se tromper elle-même.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeDim 18 Juil 2010 - 22:46

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Pierre Noire *


À Ogame.fr, parce que ce RP est le 200e que j'ai écrit et à tous les mécènes, fidèles, qui m’ont soutenue depuis le départ.


Depuis l’ombre d’un toit, Zarick, un Sorgin observait le portail qui se refermait et le Gardien qui entraînait son apprentie vers la Tour d’Ambre. Un sourire éclaira son visage. Depuis plusieurs jours, il observait les allées et venues d’Aurora. Elle était jeune, pleine d’énergie, mais aussi fragile… et donc manipulable. Aussi souple qu’un félin, il bondit dans la ruelle et s’arrêta face au vortex. Son poing fermé frappa le cœur de la spirale de lumière. Un éclair creva la surface unie et l’obscurité retomba d’un seul coup.
Pourtant, le portail était encore là. L’onde d’énergie avait simplement disparu, ne laissant que la matière en suspend dans l’air. Le Sorgin ouvrit la main. Dans le creux de sa paume, une pierre noire étincelait. On disait que ces pierres apportaient la rédemption à ceux qui les touchaient. Mais pour le Sorgin qui en possédait une, elle était la source d’un pouvoir égal, sinon supérieur à celui des Justes. Elle lui permettait de contrôler l’esprit et les faits et gestes de n’importe qui. Il pouvait tuer, piller, sans jamais se faire prendre. Il avait ainsi tout pouvoir sur Andhera. Lentement, ses doigts se refermèrent sur la pierre et son sourire s’étira sur ses lèvres.
Dans son poing fermé, il y avait le pouvoir de lutter contre ses ennemis. Zarick avait choisi cet instant. Traquant les Justes de ville en ville, il n’avait qu’à manipuler une cible et l’amener au crime le plus sanglant. Alors, un justicier en manteau blanc accomplissait sa tâche, expédiant en enfer des hommes et des femmes qui n’étaient pas responsables de leurs actes ou de leurs gestes. Il ne restait alors au Sorgin qu’à attendre que les Justes s’éloignent pour récupérer la précieuse énergie au cœur des vortex.
Les Justes ne cherchaient jamais un autre coupable que les Anathèmes pour justifier l’horreur de ces crimes. Les villageois non plus d’ailleurs. Pourquoi l’auraient-ils fait ? Ils n’avaient jamais eu connaissance de l’existence des Sorgins. Ces sorciers formés à l’art du combat n’étaient pas nombreux, mais leurs manières, qui les poussaient à changer de ville régulièrement, les préservaient de toute question, les plongeant dans un anonymat sécuritaire. Une mutilation volontaire les rendait muets et leurs capes noires leur permettaient de garder le mystère sur leurs actes et leur passé. Ils passaient inaperçus, peu importe l’endroit où ils se rendaient.
Seuls les grands initiés connaissaient l’histoire de leur ordre et Zarick, comme les quelques rares élus qu’étaient ses compagnons, l’avait apprise de son Maître, qui lui même, la tenait des Esprits Fondateurs. Il avait pleinement conscience de l’importance de sa quête et de la pierre noire dont la chaleur se diffusait dans sa paume. Depuis deux générations les Sorgins traquaient l’énergie bleue des portails. C’était le seul moyen d’obtenir ce qu’ils avaient toujours convoité : l’ouverture d’un portail gigantesque dans le mur qui séparait les dimensions. Un portail si grand qu’il ne pourrait être refermé par aucun Juste, qui nécessiterait l’intervention des Dieux.
Une fois les Dieux impliqués, ils seraient obligés d’utiliser leurs pouvoirs et ils seraient alors vulnérables le temps de quelques secondes. Juste le temps de vulnérabilité nécessaire pour permettre aux Sorgins d’envahir et d’assimiler leurs consciences afin d’y installer les Esprits Fondateurs. Une fois l’assimilation effectuée, les Dieux seraient sous le contrôle de Zarick et ses frères. Le monde entier serait sous leur contrôle.

* * *


Les Justes étaient venus nombreux jusqu’à Andhera. Sammakko s’isola presque immédiatement avec Gonoe, tandis qu’Aurora retrouvait avec plaisir Jing, Poukram et Silenoz. Lord Kael, qui ne se faisait plus prier pour passer son temps au château, se joignit volontiers au groupe.

- Il paraît que les nouvelles ne sont pas si bonnes à l’extérieur, s’informa le guerrier en s’adressant à Silenoz.

Dès le départ, les deux hommes s’entendirent très bien. Le soir venu, ils s’assirent à la même table pour continuer leurs discussions. Rapidement, Silenoz mit les autres au courant de la situation : habitant de Lurra depuis peu, il avait entendu parler de raids sauvages organisés par des groupuscules de plus en plus audacieux. Les Anathèmes semblaient en être les responsables. Rien n’avait encore été fait, mais le bruit courait que les troupes ennemies venaient tout droit d’Astrée pour anéantir les fugitifs.

- Non contents de nous chasser de l’île, ils nous chassent aussi de nos villes… Gronda Poukram.
- Arrêtez de vous torturer l’esprit, les coupa Mikyle. Ce soir, nous fêtons la première imprégnation d’Aurora et ça vaut bien qu’on oublie les problèmes du dehors. N’oubliez pas que vous n’êtes pas responsables des problèmes du dehors, vous ne l’êtes que pour vos villes respectives.

Aurora, Silenoz et Poukram échangèrent un regard silencieux que même Lord Kael comprit. Non, les trois apprentis n’avaient aucun désir de se contenter de leurs villes. Il y avait en eux bien trop de fougue et de désir de changer les choses pour qu’ils s’en tiennent là. Mais Mikyle les entraîna avec lui vers un groupe et les discussions animées et joyeuses qui s’y déroulaient eurent raison de leurs préoccupations. Du moins, momentanément…
Quant à Aurora, elle réfléchissait aux mots du Prince d’Éternité : sa première imprégnation… Son premier meurtre.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 6 Aoû 2010 - 10:28

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Rupture d’Éternité *


À FroGgyMan, qui ne lira pas, pour ce jour qui m’a tant marquée… !


Depuis quelques minutes, Aurora ne suivait plus que d’une oreille distraite les discussions qui avaient lieu autour d’elle. Elle observait Sammakko et ce qu’elle voyait l’inquiétait. La ligne des épaules du Prince trahissait une tension qu’elle ne lui connaissait pas. Il ne riait pas, même s’il demeurait souriant et ouvert. Les Justes tentèrent de le dérider, mais son sérieux mit rapidement un terme à leurs jeux. Lui qui avait toujours été l’instigateur des rires dans les groupes qui l’entouraient était désormais celui qui se taisait et les poussait ramenait à un sérieux excessif.
Pour la première fois, Aurora, Poukram et Silenoz assistèrent à la naissance de tensions au sein du groupe. Les Justes n’écoutèrent pas les propos trop sérieux du Prince et celui-ci, lassé, finit par leur tourner le dos. Les rires continuèrent sans que les Justes ne se soucient de celui qui s’éloignait. Aurora, étonnée, ne comprit pas pourquoi le Prince n’avait pas réagi aux moqueries des autres.


- Ici, Dieu n’a pas la loi alors… Fit remarquer Aurora.
- Non, ici, Dieu, c’est un duo, pas vrai Dhuma ?

Aurora n’écouta pas les réponses ironiques. Personne ne remarqua qu’elle avait perdu le goût à rire et que son regard avait suivi le Prince d’Éternité. Pour la première fois, elle aurait voulu qu’il réagisse, qu’il lance l’un de ces sorts qui les auraient fait taire. Sans un mot, elle quitta le groupe et suivit Sammakko.
Elle le retrouva au pied de la Tour d’Ambre. Il lui tournait le dos, il tournait le dos à Andhera et depuis le promontoire, il avait porté son regard par dessus les remparts, vers l’horizon. Durant quelques secondes, elle hésita à lui parler, comme chaque fois qu’elle se trouvait en sa présence. Parle-t-on aux Dieux quand on n’est qu’humain ?

- Sammakko… Qu’est-ce qui ne va pas aujourd’hui ?
- Il m'arrive que je suis fatigué ?


Elle se raidit malgré elle. Il y avait autant de colère que de lassitude dans les mots du Prince. Il ne se retourna pas, ne la regarda même pas. Encore incertaine, elle laissa s’égrainer les secondes avant de trouver les mots qui le conduiraient à se confier. Puis, elle opta finalement pour un compromis.

- Tu préfères que je te laisse ?


À son tour, il garda le silence, cherchant ses mots, puis il se retourna et la toisa de son regard d’or. Elle affronta cet examen sans ciller, le cœur anxieux.

- L’annonce de Mikyle hier soir, ce n’est pas pour rien qu’il l’a faite… J’étais vraiment à deux doigts de partir définitivement.


Un sourire étira les lèvres pâles, comme s’il avait annoncé une bonne nouvelle. Pourtant, Aurora fronça les sourcils, n’écoutant que le désarroi que ces mots apportaient en elle. Elle n’avait pas entendu l’annonce, mais se doutait de ce qui avait été dit.

- Certains se moquent ouvertement de moi en faisant n’importe quoi, alors qu’ils savent que ça m’énerve, et j’apprécie de moins en moins.
- Ne pars pas, s’il te plait. Tu fais partie de mes piliers ! Risqua-t-elle, avant d’essayer d’expliquer : Si on vient te voir toi, c’est parce que tu es le plus impliqué des trois Princes, toi qu’on a toujours vu disponible, entier et volontaire. S’ils se moquent, c’est seulement parce que ce n’est pas pour rien qu’on t’appelle « Dieu », c’est toi qui as toujours raison, qui a le pouvoir, ils ont besoin de mettre des limites à ton pouvoir.
- Oui, mais il arrive un moment où, franchement, j’ai l’impression que tout recommence comme l’an dernier, de me retrouver exactement comme avant : tout seul ! Et je n’en peux plus !


Au ton de la voix, Aurora comprit que la colère du Prince explosait. Si elle ignorait tout des circonstances de l’année précédente, elle comprenait à demi-mots l’exaspération qui se dévoilait. Elle cherchait, mais en vain, le moyen de la calmer. Elle ne réalisait que trop bien le point de rupture qui se profilait. Il se détourna, la ligne raide de ses épaules trahissant encore sa rage contenue.

- Je sais tout ça, répondit-elle doucement. Mais tu n’es pas seul, il y en a qui comptent sur toi et ta présence. Prends un peu de repos, donne-toi des jours pour toi. Le monde ne s’arrêtera pas de tourner si parfois, tu n’es pas là pour nous, tu sais…
- Ne cherche pas, soupira-t-il. Ce n’est pas la peine. Je ne pourrai pas.

Elle comprit sa lassitude, sut aussi qu’il renonçait à toute discussion. Alors, elle se détourna à son tour et s’apprêta à partir.

- Ne lâche pas, c’est tout ce que je te demande, conclut-elle avant de le quitter.

Il ne répondit pas, mais il écouta son pas s’éloigner et soupira. Lentement, il se détourna de sa contemplation et regagna la Tour des Âmes. Gonoe y était depuis un bon moment déjà. Il avait préféré travailler plutôt que se mêler aux autres, comme à son habitude. En silence, le Prince vint s’asseoir dans un fauteuil près de lui.

- Tu as parlé à Aurora récemment ? Demanda-t-il.
- Tous les jours, répondit le Gardien en levant les yeux vers son allié.
- Intronise la.
- Elle n’est pas prête.
- Elle ne pense pas l’être, mais elle l’est. Si tu attends qu’elle le soit, tu ne le feras pas. Fais-le demain.
- Tu seras là ? Interrogea le Gardien d’un ton égal.

Sammakko sourit. Son ami voyait juste. Il avait compris.

- Non. Je pars dans une heure, répondit-il. Puis, avant que Gonoe ne le questionne à nouveau, il ajouta : seul.

À suivre...
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 6 Aoû 2010 - 10:29

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Absence


Pour FroGgyMan… Pour ce fake qui me pousse à ouvrir les yeux.


Appuyée contre le granit froid du balcon, Aurora observait la Tour d’Ambre. Le soleil plongeait lentement vers l’horizon et les rues se vidaient progressivement. Son regard se porta pour la énième fois vers le portail, là où Sammakko aurait dû réapparaître. Mais rien, il ne revenait pas.

- Aurora ?

Mikyle vint s’accouder près d’elle. Elle ne lui avait pourtant pas demander de venir. Elle n’avait envoyé qu’un message bref : « Prends soin de Sammakko ».

- Tu as vu Sammakko ? Demanda-t-elle sans le regarder.
- Oui, mais pourquoi ? Il t’a dit quelque chose ?
- Il craque, se borna-t-elle à expliquer.

Le Prince passa une main affectueuse dans son dos.

- Dis moi tout.
- C’est un ensemble, ça fait trois jours que je sens que la pression monte chez lui, raconta Aurora, les yeux dans le vague. Il faut vraiment être… je ne sais pas comment on peut manquer qu’il craque. Il se sent seul. Il est le plus impliqué de vous trois et ça doit lui peser. On doit être solidaires comme on est supposé l’être les uns des autres et l’aider pour ne pas aller vers une rupture.

Mikyle soupira. Il l’avait laissé parler par respect et amitié, mais il s’était raidi comme si ses propos l’avaient vexé.

- Écoute… je peux être franc avec toi ?
- Oui.
- Sammakko se plaint souvent qu’il gère tout seul, et il est assez fatigant à mésapprécier notre travail de la sorte. Il n’y a pas si longtemps, il y avait une Reine d’Éternité, Litica. Elle s’occupait de tout, et seule. Il disait quand même à dire qu’il gérait tout seul.
- Je sais ça.
- Il ne va pas bien, je le sais, mais personne ne sait ce qu’il a. Je lui ai proposé de l’aider, mais il refuse. Il s’est plaint qu’on était trop souvent disponibles pour les gens qui nous demandent notre intervention au lieu de demander l’appui de leur Juste. J’ai proposé de le faire, il m’a dit qu’il n’y avait rien de plus facile.
- Je sais, il m’a dit qu’il ne pouvait pas prendre du temps pour lui.
- Il déplorait le nombre de personnes qui le contactent. Je ne vois pas qui peut le contacter. Tu es la seule à qui j’ai parlé moi aujourd’hui. Personne ne vient me voir.

Aurora haussa les épaules. Elle ne pouvait remettre en question les paroles de Sammakko et se surprit à se fermer face à Mikyle.

- Je sais qu’il les a vraiment, déclara-t-elle, défendant Sammakko.
- Mais qui ?
- Les gens, pas forcément des Justes. Tu sais, il y a trois mois, je ne connaissais presque rien du monde des Justes, mais je connaissais le Juste de Serivun, ma ville et Sammakko, que je savais Prince d’Éternité. En dehors de ça, je ne connaissais personne. Toi, j’ai appris à te connaître depuis notre retour sur la terre des hommes et je ne connais même pas le troisième Prince d’Éternité. Bien sûr, Sammakko n’est pas le seul à donner du temps et de l’énergie, mais il est le plus populaire de vous trois et forcément, c’est vers lui qu’on a tous tendance à aller. Il est partagé entre le désir d’aider et le poids que ça lui met sur les épaules.
- C’est entièrement sa faute s’il est autant accaparé. S’il prenait du recul… Et puis tu ne vas pas me dire qu’il y a tant de personnes qui ont besoin de son aide.
- J’ai déjà une dizaine de personnes qui viennent me voir par jour, je peux bien croire qu’il en ait cinq ou dix fois plus. Je ne suis qu’une Apprentie, c’est un Prince ! Et puis… je n’ai pas forcément besoin de lui quand je vais le voir, protesta doucement Aurora en rougissant.

La jeune femme se sentait brusquement coupable du poids qu’elle pouvait ajouter sur les épaules du Prince d’Éternité. Se trompant sur son silence, Mikyle prit un peu de recul et reprit.

- En ce moment, il craque, mais je ne sais pas pourquoi. S’il ne se relève pas, il va falloir qu’il parte.

Aurora ne fit pas un seul effort pour masquer sa stupéfaction.

- Ça ne va pas non ? S’écria-t-elle. S’il s’en va, je pars aussi !
- Aurora ! Tu te rends compte qu’il y a trois jours, il a insulté l’un des citadins de Urvakan, en public. Il lui a dit de quitter la ville et de s’exiler parce qu’il ne servait à rien. Il est auss allé provoquer délibérément l’un des membres du conseil au sein de la capitale et les futurs apprentis qu’il sélectionne sont des gens que les Conseillers n’aiment pas, juste pour déclencher des hostilités.

Ahurie, Aurora ouvrit la bouche pour protester, puis la referma. Non, elle n’y croyait pas, Sammakko ne pouvait avoir fait ça. Mais elle lut la vérité dans les yeux de Mikyle et comprit qu’il ne mentait pas. Il n’avait pas de raison de mentir. Sammakko avait bien fait ce que le Prince disait. Il s’était mis en danger. Mikyle comprit son désarroi et posa une main sur son avant-bras.

- Aurora, je crois qu’il y a une part de Sammakko que tu ne connais pas.
- Si, la part de lui qui est méchante et détestable, que j’ai refusée de voir. Il m’en avait parlé un jour, ce n’est pas faute d’avoir été prévenue, souffla Aurora. À quoi il joue, à part à se saper lui-même ?
- Il n’aime pas la façon de faire des Conseillers, donc il crée une opposition.
- Il faut qu’il lâche, c’est urgent…
- J’essaye de prendre au maximum sur moi, mais je ne peux pas grand-chose, il ne me laisse pas faire. Tu sais, si je reste en retrait par rapport à vous tous, c’est avant tout pour éviter ça : un surcroît de popularité.
- Oui… j’ai l’impression de me voir : regarde Andhera, c’est devenu une ville extrêmement vivante depuis que je suis là, presque autant que les plus jeunes villes. Il y a même des citadins d’autres villes qui viennent me voir pour avoir mon aide. Même si je les renvoie à leur Juste respectif, c’est toujours le même refrain.
- Aurora ?

Sous le portail, le Gardien de la jeune femme venait d’apparaître. Il avait l’air plus fatigué qu’à l’accoutumée. Le timbre de sa voix, grave et sévère, inquiéta Aurora.

- Je vais voir Gonoe, je reviens plus tard, annonça l’Apprentie.
- Lâcheuse ! lança le Prince tandis qu’elle s’élançait déjà.

Elle sourit, mais ne se retourna pas, ne répondit pas. Son cœur était partagé entre la peine d’avoir appris tant de choses sur Sammakko et la bonne humeur que Mikyle avait réussi à insuffler en elle. Aurora ne considérait pas encore les propos de Mikyle comme un rabaissement de Sammakko, mais elle continuait à s’aveugler. Elle n’écoutait que son cœur et son cœur lui rappelait combien Sammakko avait été présent dès le départ, dès le premier jour. C’était lui qui l’avait reconnue dans la foule de ses admirateurs au Temple des Âmes, lui encore qui l’avait protégée lors de l’attaque des Anathème, lui, toujours, qui lui avait permis de réchapper à la mort de l’esprit lorsqu’elle avait connu l’emprise d’un Anathème.
Où avaient été les autres Princes lorsqu’elle avait été en danger ? Aurora s’interrogeait. Qu’aurait fait Sammakko pour la rassurer ? Elle se rendait compte qu’il avait été présent à chaque étape de son parcours. À présent qu’il trébuchait à son tour, elle ne savait pas comment l’aider et s’inquiétait : il fallait freiner la destruction qu’il semait. La gloire qui l’auréolait en dépendait. Encore une fois, elle s’aveuglait, elle ne voyait pas encore que Sammakko avait pris pour elle une place beaucoup trop importante. Pas plus qu’elle ne voyait le danger de cet attachement.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 6 Aoû 2010 - 21:52

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Les Retrouvailles


Ai-je donc tant changé que nos retrouvailles soient désormais impossibles ?


- Aurora, il faut que je te parle, avait dit Gonoe.

Puis, avant que son Apprentie ne s’interroge, il avait ajouté :

- Ne t’inquiète pas s’il te plait. Je vais simplement te poser une question.

La jeune femme avait froncé les sourcils, incapable de ne pas s’inquiéter devant le ton sérieux de son Gardien.

- Si jamais je n’étais plus là, est-ce que tu saurais te débrouiller sans moi ? Et ne t’en fais pas, je n’ai pas prévu de partir, mais je te le demande.

Aurora avait tergiversé quelques instants. Fallait-il dire à Gonoe à quel point elle se sentirait fragile sans lui, sans Sammakko ? Elle préféra la bravoure, après une longue hésitation, peut-être parce qu’elle comprenait que ces questions avaient un but précis. Elle avait entendu les rumeurs, les intronisations avaient été annoncées. Alors, sans sourire pour ne pas trahir qu’elle avait compris et que cette seule certitude avait balayé ses doutes, elle avait répondu :

- Je ne me sens pas entièrement prête à être lâchée comme ça, sans aucune aide, et je refuse d’avoir un autre Gardien que toi. Mais tu m’as donné les outils pour me débrouiller seule. Alors je pense que j’y arriverai.

Gonoe avait souri.

- Très bien, alors nous partons pour Deak’li, la capitale, dans une heure. Prépare-toi.

À présent, le vent chaud du désert fouettait son visage, séchant la peau de la jeune femme, emmêlant sa chevelure. Plusieurs fois, elle jeta un regard sur les autres caravanes du convoi qui amenaient d’autres Apprentis. Sammakko n’y était pas. Elle ne l’avait vu nulle part. Pour la première fois il n’était pas à ses côtés et allait manquer un événement important de son parcours. Préoccupée, la jeune femme ne prêtait pas attention au regard inquiet que son gardien posait sur elle.
Où pouvait être le Prince ? Allait-il revenir, ou Mikyle lui avait-il dit de partir définitivement ? Sammakko lui dirait-il s’il partait ? Tant de questions la hantaient et ne trouvaient pas de réponses. Elle refusait obstinément de le chercher au sein du pouvoir mental. Une conversation qu’elle avait surprise entre Mikyle et Blarka, l’ancien Juste d’Andhera, lui avait montré qu’elle avait eu raison de respecter le silence du Prince.

- Personne n’a réussi à le recontacter depuis, avait dit Blarka.

Les deux hommes s’étaient tus lorsqu’elle s’était approchée. Ils avaient fait le voyage dans la même caravane, presque en silence, et le trajet touchait à sa fin. Les remparts de la capitale furent bientôt visibles et l’éclat blanc de ses tourelles se reflétait sur les vagues de chaleur qui ondulaient sur le sable. La foule s’était amassée au pied des remparts et acclamaient les caravanes qui passaient. Ils acclamaient l’arrivée d’une nouvelle génération de Justes.
C’était la toute première fois qu’Aurora était saluée par une foule aussi amicale et qu’elle découvrait une ville prolifique et saine comme Deak’li. Les convois se rendirent jusqu’au cœur de la Cité et s’arrêtèrent finalement le long d’une vaste avenue bordée de colonnes de marbre blanc. Les jeunes gens quittèrent les caravanes, accompagnés ou non de Justes et de Gardiens. On les envoya se reposer dans des hôtels au luxe improbable qu’Aurora voyait avec étonnement. Les Justes, les Gardiens et les Princes laissèrent les Apprentis livrés à eux mêmes. On leur autorisa une visite de la ville, à condition qu’ils soient présents le lendemain, à l’heure où le soleil était au plus haut dans le ciel.
Aurora préféra rester seule. L’absence de Sammakko était revenue la hanter, malgré les marques d’appui que Gonoe, Blarka et Mikyle lui avaient prodiguées. Jusqu’à la nuit, elle demeura appuyée contre le chambranle de la fenêtre de sa chambre, observant la ville qui vivait à ses pieds. La liesse populaire continuait, bien qu’elle y soit demeurée particulièrement insensible. Alors, lorsque la nuit fut entièrement tombée, que les étoiles décorèrent la voûte céleste, Aurora se mit à écrire une très et trop longue lettre qu’elle adressa à Sammakko.
Elle refusait de le contacter via le pouvoir mental, mais ne pouvait se résoudre au silence. À l’aube, elle achevait sa missive. Elle l’attacha à la patte d’un pigeon et lança le volatile solitaire vers le ciel rosé. Et enfin, elle sombra dans un sommeil sans rêve, épuisée.

* * *


La foule s’était assemblée autour des Apprentis et des Justes. Les Gardiens étaient montés sur l’esplanade, entourant les Conseillers et dominant l’assemblée. Ils attendaient, tous. Ils attendaient le moment où les Princes allaient faire monter jusqu’à eux les Apprentis pour les introniser et confirmer leurs valeurs de Justes. Aurora, comme les autres, attendait. La fatigue se peignait sur son visage. Ses jambes la portaient tout juste. Rien ne semblait capable de la détacher de cette torpeur muette qui l’habitait, pas même la joie des Apprentis qui l’entouraient.
Enfin se fut son tour. Elle se fraya un chemin vers l’estrade sous les vivas et s’approcha. Alors elle le vit. Il était là, il venait vers elle. Sammakko, le sourire aux lèvres, s’avançait lui aussi vers l’esplanade. Lorsqu’il s’arrêta à sa hauteur, elle ne put s’empêcher de le dévisager.

- Tu es là.
- Tu croyais que j’allais manquer ça ?

Le Prince sourit à la jeune femme et l’entraîna à sa suite.

- Merci pour ta lettre.
- De rien. Ça va toi ? demanda-t-elle, sans parvenir à cacher son inquiétude.
- Chut, vas-y, c’est ton tour, la coupa-t-il en souriant.

Aurora s’avança vers Mikyle, Gonoe et Chermak, le troisième Prince. Elle avait tellement attendu ce moment. Pourtant, maintenant qu’il arrivait, elle appréhendait son nouveau rôle. Quoi qu’il ne soit pas bien différent de celui d’un Apprenti, elle devrait désormais prendre ses décisions seule, sans l’aval de Gonoe. Comme tous les autres intrônisés, elle reçut des mains de son Gardien l’écusson des Justes et l’épée symbolique dont la garde ouvragée représentait le pouvoir de leur ordre. Les Conseillers prononcèrent un discours qu’elle ne comprit pas réellement, à mi-chemin entre les félicitations et le devoir qui allait être le sien.
Et ce fut tout. Elle était Juste, Juste parmi les Justes. On l’acclama, les citadins l’applaudirent, les sourires sur tous les visages. Et là-bas, à quelques pas, le même sourire sur le visage de Sammakko. Alors elle sourit à son tour et serra dans sa main celle que Gonoe lui tendait. Soulagé de voir l’inquiétude d’Aurora disparaître enfin, il la raccompagna jusqu’en bas de l’estrade.

- Félicitations Aurora. Tu t’en es très bien sortie. Tu n’es toujours pas facile à rassurer, toi, déclara-t-il en souriant. À un moment, tu as cru que je partais, n’est-ce pas ?
- Oui, pendant quelques instants, j’ai eu peur, avoua-t-elle en riant.

Sammakko les avait rejoints et Gonoe adressa un bref hochement de tête au Prince d’Éternité. Après un dernier geste affectueux à l’égard de sa protégée, il prit du recul.

- Je vais vous laisser, déclara-t-il.
- Je la ramène, ajouta le Prince.

Les deux hommes échangèrent un nouveau signe de tête, se comprenant sans avoir besoin de mots, sans même avoir recours au champ du pouvoir mental. Alors Gonoe retourna auprès des autres Gardiens et Aurora se retrouva seule avec le Prince d’Éternité. Seule pour la deuxième fois de sa vie. Elle ne présentait pas encore ce qui allait advenir de cette deuxième rencontre.

À suivre…

* * *

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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeMer 11 Aoû 2010 - 15:07

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
La Magie des Sorgins


Voler, vivre, oublier. Et se noyer dans un monde qui ne nous appartient pas. À quoi ça rime ?
À Wyrd, la Blanche Maîtresse de notre Destin et à Joshua, son âme jumelle.



Sur la lande endormie, vingt-cinq flambeaux éclairaient la nuit. C’était le solstice d’hiver et les bourrasques d’un vent du nord menaçaient parfois d’éteindre les torches. Ceux qui les portaient avançaient, les uns derrière les autres, en silence. Une longue cape drapait leurs silhouettes, les confondant tous dans un anonymat austère. La buée de leurs souffles s’échappait de leurs capuches et allait se confondre avec la brume.
Les uns après les autres, les Sorgins quittèrent le sentier et s’éloignèrent vers l’ouest, vers le rugissement tout proche de l’océan. Sur le roc envahi par la bruyère se dressaient vingt-quatre monolithes aussi sombres que la nuit, rangés en trois cercles concentriques. Au centre se trouvait une vingt-cinquième pierre, blanche celle-là, montée sur quatre orthostates. Toujours en silence, les voyageurs nocturnes allèrent se placer chacun devant l’un des menhirs.
Lorsque tout le monde eut trouvé sa place, le dernier pèlerin, assigné au monolithe blanc, retira sa cape. C’était une jeune femme entièrement vêtue de blanc. Dans ses cheveux tressés, une couronne de genets tremblait dans la brise hivernale. Sous les pans de sa robe, ses pieds nus saignaient. Son visage, à peine éclairé par la lueur tremblotante des flambeaux, était pâle, mais calme. Lorsqu’elle s’avança entre les pierres, chacun déposa en son giron une pierre noire, de la taille d’un œuf de pigeon. Le même symbole marquait les monolithe et les ornements qui leur correspondait. Les uns après les autres, les vingt-quatre individus prirent la parole tandis qu’elle s’arrêtait face à eux.

- Ici, sur le cercle du monde souterrain, par moi, depuis ma grandeur jusqu’à mon déclin et par la main de ma descendance après moi, vit Feoh, la rune de Frey, seigneur du monde et des dieux. Puisse-t-elle exaucer notre volonté à tous par ta main, fille du Wyrd.
- Ici, sur le cercle du monde souterrain, par moi, depuis ma grandeur jusqu’à mon déclin et par la main de ma descendance après moi, vit Ur, la rune du pouvoir et des forces telluriques. Puisse-t-elle exaucer notre volonté à tous par ta main, fille du Wyrd.

Une fois sa tournée achevée, la jeune femme revint se placer au centre de l’assemblée et prononça les paroles rituelles :

Huit sont nées au nord sous la main des Nains
Huit sont nées au sud dans la bouche des Ases
Huit sont nées à l’est au berceau des Hommes
Depuis l’ouest, puissent-elles répandre le Wyrd
Sur la terre des Rois et jusqu’aux Enfers.

Alors, elle lança vers le ciel les vingt-quatre runes qui tintaient dans son giron. Les pierres noires s’envolèrent dans les ténèbres de la nuit, mais ne retombèrent pas aux pieds de la jeune femme. Une aura bleutée et lumineuse teinta les pierres qui flottaient dans l’air froid. Elles se placèrent en cercle au dessus de la pierre blanche et se mirent à tourner. Alors, la jeune femme retira sa cape.
Un kimono de mousseline satin blanche voilait son corps nu. Des anneaux d’argent enserraient ses cuisses tandis qu’une amulette glissait sur son cou et entre ses seins. Des perles d’acier brillaient sous son nombril et contre ses joues. Sa chevelure noire comme l’ébène ondulait sur ses épaules et trois dragons rouges et noirs étaient tatoués autour de ses membres. Un peigne d’argent dans les cheveux, des anneaux autour des poignets et un visage peint en blanc complétaient le portrait de cette créature mystérieuse.
La danse qu’elle entama tenait du vol. Sa grâce n’avait d’égale que la pureté de sa silhouette. Les courbes de son ventre, de ses seins et de ses hanches se devinaient parfaitement dans le halo bleuté des perles de pierre. Elle n’était que plus belle dans cette lumière froide. Au-dessus d’elle, le cercle des pierres se mit à tourner, de plus en plus rapidement, jusqu’à ce qu’un anneau bleu se crée. Alors, la danse de la jeune femme se brisa. Son pied marqua une hésitation et la jambe qui la tenait en équilibre ploya sous elle. Elle tomba au sol, devant la pierre blanche.
Bientôt, son corps devint vaporeux puis disparut lentement, comme absorbé par la terre. Alors des veinules bleutées se mirent à scintiller sur la pierre blanche et montèrent jusqu’à son sommet autour duquel gravitaient les vingt-quatre ornements noirs. Des éclairs bleus zébrèrent l’espace entre les vingt-cinq pierres et un disque de lumière entier apparut. Il s’éleva lentement et s’agrandit, jusqu’à atteindre le bord du cercle de mégalithes, formant comme une voûte, retenue en son centre par un cordon de lumière. Là, au-dessus des têtes des vingt-quatre maîtres Sorgins venait d’apparaître le plus puissant et le plus grand portail qui ait jamais été ouvert depuis la grande guerre.
Dans le ciel, un orage éclata. Une pluie diluvienne s’abattit sur la terre glacée. Les Sorgins se réunirent au centre du cercle, se saluèrent et, un par un, quittèrent le cercle. Ils avaient réussi. Le portail des Sorgins était né. Deux sorciers demeurèrent au centre du cercle. Zarick était l’un d’eux. Ensemble, ils regardèrent les flambeaux des autres s’éteindre dans la nuit, puis, le plus grand des deux prit la parole.

- Nous voilà au pied de notre gloire, Zarick. À présent, le piége va pouvoir être ouvert.
- Oui Maître. Nous ferons ce qui est nécessaire.
- Non, je veux que ce soit toi qui fasses en sorte que cela arrive.
- Moi, mon Seigneur ?

Le Sorgin hocha la tête, amusé et intéressé.

- Ça va demander du travail, conclut-il enfin.

Son maître eut un rire bref.

- Oui, répondit-il à mi-voix. Mais tu y parviendras. Leur orgueil est leur point faible. Brise leur piédestal et tu obtiendras ce que tu cherches.

Le Sorgin sourit. Oui. Le piège pouvait être ouvert. L’heure fatidique avait sonné.

À suivre…
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MessageSujet: Re: [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE   [Nymphe Ydeil] Les Princes d'Éternité - INTÉGRALE Icon_minitimeVen 13 Aoû 2010 - 16:00

* * * LES PRINCES D'ÉTERNITÉ * * *
Droit de Réponses


À gh0sty, tu sais pourquoi…


Durant quelques minutes, Aurora et Sammakko circulèrent à travers les rues de la cité sans dire un mot. La jeune femme avait lu la fatigue sur le visage du Prince et hésitait à prendre la parole la première.

- J’ai le droit de te sermonner pour que tu te décides enfin à prendre soin de toi ? Attaqua-t-elle enfin.
- Non, répondit-il simplement, tandis qu’un sourire amusé étirait ses lèvres.
- Je suis contente que tu sois là, avoua-t-elle à mi-voix. Mais tu as repris ta place à la tête de l’Ordre. Ce n’est pas comme ça que tu vas te reposer.
- Je me devais d’être présent pour la cérémonie.

Aurora ne répondit pas immédiatement. Elle ne savait si elle devait réellement se réjouir de la présence du Prince ou si elle préférait le voir absent. Elle opta pour un compromis.

- Du moment que tu arrives un peu à trouver un peu de temps pour toi et un peu de calme pour te reposer, c’est l’essentiel. Tu as réussi à être moins sollicité ?
- Quelques personnes qui viennent hypocritement demander des nouvelles, mais sinon rien.
- Tu es parti loin ?
- Retour aux sources, je suis allé voir ma fille, répondit le Prince.

La jeune femme sourit. L’homme qui se tenait à ses côtés était jeune, à peine plus âgé qu’elle en réalité. Elle n’aurait pas imaginé qu’il puisse être père, pas plus qu’elle ne le voyait séparé de sa fille depuis si longtemps. Elle remarqua cependant la sérénité que cette seule évocation avait amenée sur le visage de Sammakko et en fut soulagée.
En silence, ils parcoururent les derniers mètres qui les séparaient de l’auberge. Deux chevaux les attendaient. Sammakko tendit les rênes d’une jeune jument palomino à Aurora et enfourcha un étalon tovero blanc et noir dont l’œil bleu était maquillé de noir. Ils chevauchèrent jusqu’aux portes de la ville avant de prendre la route d’Andhera. Les autres Apprentis quitteraient la capitale dans la journée. Aurora avait remarqué que plusieurs convois se préparaient déjà.

- Je n’arrive pas à te comprendre… risqua-t-elle après de longues minutes de silence.

Étonné, Sammakko l’observa.

- Pourquoi dis-tu ça ?
- Dans ma lettre, je te disais de partir. Mais tu reviens avec moi à Andhera, pourquoi ? demanda-t-elle, avant d’ajouter précipitamment : Ce n’est pas un reproche… mais je ne comprends pas.
- Parce que j’en ai envie ?

Aurora se borna à une moue chagrine que le Prince interpréta rapidement.

- Écoute, les villes ne m’apportent pas plus de contraintes que ça. J’avais commencé à répondre à ta lettre, mais j’ai renoncé, j’ai préféré venir te voir directement. J’estime que tu as le droit à des réponses, parce que toi, tu as pris le temps de me demander des nouvelles autrement que par un appel dans le champ du pouvoir mental ou en venant me voir. Tu as précisé que je n’étais pas obligé de te lire ou de te répondre, mais je suis curieux Aurora. J’ai lu, bien sûr.

La jeune femme se contenta d’écouter. Et le Prince se livra à elle comme il ne l’avait jamais fait. Dans ses mots, il n’y avait aucune trace de colère, seulement un calme qu’il ne lui avait jamais montré, un sérieux tranquille et apaisé. Elle était encore jeune dans l’Ordre et sa lettre avait montré au Prince qu’elle avait encore une vision d’ensemble erronée sur certains points, mais qui montrait également une compréhension instinctive des choses.

- Tu parles de double facette, celle qui donne, et celle qui se lasse d’avoir donné. Tu as certainement raison et à vrai dire, c’est en lisant ta lettre que je m’en suis réellement rendu compte.

Sammakko expliqua ses valeurs, ses croyances, lui expliqua en mots simples et clairs ce qui l’avait amené à son ras-le-bol.

- Ces derniers jours, j’en ai pris plein la tête. Plaisanter sur des sujets sérieux comme les Anathèmes est une chose que je ne peux plus supporter. Je suis peut-être exigeant, mais je crois que le respect ne doit pas être unilatéral. J’ai donné assez de mon temps à l’Ordre pour qu’on respecte mes convictions et mes remarques, pas pour qu’on s’en moque.

Victime de sa popularité, il était sans cesse sollicité par des Justes qui préféraient venir le voir plutôt que de demander conseil et appui à leur Gardien, parce que des hommes ou des femmes contactaient un Prince pour des questions auxquelles n’importe qui, même à l’extérieur de l’Ordre, pouvait répondre. Les villes qu’il visitait régulièrement n’étaient pas un poids, pas plus qu’une contrainte, c’était au contraire un choix de sa part et un plaisir de retrouver des membres de l’Ordre qu’il appréciait et qui pouvaient l’aider à décompresser.

- Comme Andhera… constata Aurora, sans oser affronter le regard du Prince.

Sammakko approuva. Elle avait compris à quel point il était épuisé, amorphe, et peu de gens l’avaient compris à temps, trop peu en réalité, ce qui l’avait poussé au départ.

- J’avais peur que tu partes définitivement, je ne savais pas comment t’aider. Ceux qui t’apprécient le voient quand tu t’énerves. Si je voyais Andhera comme un poids potentiel, c’est parce que les citadins pourraient te solliciter encore davantage parce que tu es là, parce que tu parles souvent avec eux.

Par-dessus l’encolure de son cheval, Sammakko posa sa main sur celle de la jeune cavalière.

- Ce n’est pas une question de poids, Aurora. Ce poids, je l’ai depuis longtemps. C’est simplement un ras-le-bol.

Un instant, Aurora hésita sur la réponse à donner. Souvent, elle avait vu Sammakko présent auprès d’elle alors qu’elle ne s’attendait pas à sa présence. Elle en avait éprouvé un plaisir qu’elle ne pouvait pas nié, mais elle craignait que ça ajoute au cercle vicieux dans lequel le Prince s’était engagé. D’un autre côté, elle l’avait vu plus souvent qu’à son tour téléporter Silenoz hors d’une ville pour le simple plaisir et savait que l’apprenti se lassait de ce jeu incessant.

- Je vais être cruelle, risqua-t-elle d’une voix douce, comme si elle s’excusait d’avance. Mais un jour, tu m’as dit que tu savais être à l’écoute quand il fallait, mais également que tu étais devenu détestable. À quel moment as-tu perdu de vue que tu pouvais parfois être détestable ? Combien de fois as-tu expédié Silenoz hors des villes, par jeu ? As-tu su écouter quand il disait en avoir ras-le-bol ? Pour les Justes aussi, c’est un jeu de chercher tes limites. La limite entre ton jeu et ton sérieux est fine et j’ai compris que parfois, tu téléportes par lassitude plus que par jeu, mais lesquels ont su le voir vraiment ?
- Aucun. Ils sont trop naïfs pour le voir.
- Pour se mesurer à toi, parce que c’est de ça qu’il s’agit, ils n’ont que ça. Ils cherchent simplement à avoir du pouvoir sur toi, toi qui en as sur nous. C’est simplement un jeu.
- Pas quand ils le font plusieurs fois ! Là ça devient irrespectueux, gronda le Prince, dont la colère réapparaissait.
- Je n’ai pas dit que j’approuvais, protesta Aurora, confuse.
- Je n’ai jamais dit que tu approuvais, répliqua le Prince, plus calmement, mais ils savaient, je le leur avais déjà dit de ne pas rire avec ça. Une fois passe, mais deux.
- Ta colère n’y changera rien.
- Non, c’est exact, mais j’ai besoin de le digérer, sinon ce n’est pas désagréable et insupportable que je vais être, mais insultant et méprisant. Et je ne veux pas en arriver là.
- Je leur parlerai si tu veux.
- Ça ne sert à rien, ils n’ont qu’à comprendre seuls.

Aurora soupira. Elle ne voyait pas encore les contradictions dans le discours du Prince. Elle avait simplement peur de son départ. Elle ne voyait pas non plus à quel point Sammakko se livrait à elle. Pour la première fois, c’était l’homme qui s’adressait à elle, d’égal à égale. Il n’était plus question de hiérarchie entre eux, simplement d’une franchise totale et honnête. Elle détestait la colère du Prince et se sentait impuissante, terriblement impuissante.

À suivre…

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